Les plus espérés sont les chants les plus beaux et j’en sais d’immortels qui sont de purs joyaux.

Je suis entrée dans Péguy par la poésie. C’est, en outre, par la poésie qu’on devrait entrer en littérature. Les mots – tout de justesse et de concision – ne débordent ni ne se répandent, chacun possédant sa parfaite place. Nul bavardage ici ou phrase inutile.

Ce livre est devenu, après quelques pages de lecture seulement, celui que j’ai envie d’offrir ; alors que je suis une michulssienne convaincue et que rien jamais n’avait pu détrôner mon Henri. Le Porche du mystère de la deuxième vertu l’a fait.

Je n’avais rien lu d’aussi beau sur l’espérance. Ce long poème – un chant, une prière inspirée, une incantation, une fulgurance – m’évoque Claudel et me rappelle la petite Antigone d’Anouilh. Il y a de la poésie mise en scène dans ce Péguy, et je ne serais pas surprise qu’un metteur en scène tel Claude Régy – malheureusement disparu – s’en empare pour le porter sur les planches.


Péguy est chrétien, certes, mais il n’est question ici de religiosité. Il s’affranchit de tout fanatisme religieux et de son aspect souvent mortifère, pour atteindre ce à quoi la prière devrait nous amener : une porte vers le Sacré. Sa parole, construite par phrases courtes, flèches droites et précises, au vocabulaire empreint d’humilité et aux multiples répétitions incantatoires, nous touche par sa ferveur et sa simplicité. S’en dégage un élan et une joie enfantines, une certaine innocence, loin de toute figure martyre ou de crucifixion douloureuse. Pour Péguy, le miracle de la foi est chose heureuse.


Parmi les trois vertus théologales, l’espérance est, pour Péguy, « la plus difficile et la plus agréable à Dieu ». L’espérance, symbolisée par une petite fille, guide les deux autres vertus : la foi et la charité. Elle possède toutes les qualités de l’enfance : la force de l’enthousiasme, la relation directe à l’absolu et le désir de croître. Ce texte, qui s’adresse à l’âme d’enfant qu’une poignée d’êtres défend et sauvegarde, n’est pas sans rappeler « la petite voie » de la jeune Thérèse de Lisieux. Croire en la bonté de Dieu, en ses multiples grâces. Péguy nous parle ici avec un cœur d’enfant, empli de pureté mais sans niaiserie aucune.

Tous les enfants sont voyants, donc poètes. Péguy le poète écrit ce livre en 1911 et 1912 ; Péguy le voyant pressent-il les tragédies à venir ?


Dans une époque de confusion, de crises et de perte de sens, où Dieu est un très lointain souvenir nous ayant abandonné à toutes sortes de spiritualités douteuses, il est urgent de prendre le temps de lire ce chant d’espérance et d’entendre ce que Péguy nous a offert il y a plus d’un siècle.

Les plus espérés sont les chants les plus beaux et j’en sais d’immortels qui sont de purs joyaux.

Merci Charles.


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le 9 août 2023

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