Le Prophète et le Vizir par Nanash

Puisque se multiplient les avis positifs que je reçois sur le travail d'Yves et Ada Rémy, sur SensCritique et sur les conseils des libraires je me laisse tenter par ce petit bouquin de chez Dystopia. Pour une fois je résiste à la tentation d'attaquer par le livre qui semble communément salué comme leur chef-d'oeuvre et je jette mon dévolu sur ce conte oriental revisité "Le Prophète et le Vizir".

Si l'on croit d'abord avoir à faire à deux nouvelles distinctes, on se rend rapidement compte que ce qui motive la séparation des deux récits c'est surtout le changement de forme. D'une novella bien ficelée qui raconte les déboires tragi-comiques d'un prophète qui voit trop loin dans l'avenir, on passe à une quasi-pièce de théâtre nous décrivant le duel entre le destin matérialisé par les visions du prophète et un vizir qui en sera (?) la victime.

Dans le récit qui ouvre le livre, le prophète au sixième doigt voyage autour de la méditerranée prophétisant ici la chute d'un royaume, là une épidémie ou encore l'abondante richesse des pays du golfe dans plusieurs centaines d'années. Car c'est bien là son don et son fardeau, Kemal voit l'avenir, mais un avenir bien trop éloigné des préoccupations de ses contemporains. Au fur et à mesure que décroit la portée de ses visions, les ennuis de Kemal s'accentuent, à force de prédire des ennuis aux puissants on se frotte à leur courroux et à leur tentatives de contrer le funeste destin annoncé.

Ainsi le vizir Fares va tout faire dans la seconde nouvelle pour faire mentir la prophétie, dans un récit où les apartés l'évertuent à planter un décor exotique et onirique où l'ont croise djinns, spectres et guerriers enturbannés. Puisque toutes les autres prédictions ne peuvent être vérifiées par les protagonistes du livre, celle-ci le sera-t-elle ?

Le recueil est court, écrit dans un style limpide et facile à lire, il en émane surtout une envoûtante atmosphère d'aventure, que j'imagine être l'apanage des contes orientaux. Une lecture agréablement sucrée comme l'est le baklava qui accompagne le thé à la menthe. 8/10