Depuis Le chagrin des vivants, sublime premier roman, la Mancunienne Anna Hope a réussi le prodige de ne pas décevoir, bien au contraire, avec La salle de bal et Nos espérances. Loin de l'Angleterre, sous le soleil du Mexique, exactement, Le rocher blanc semble procéder d'une ambition plus grande encore (démesurée ?) qui aboutit à un roman divisé en des parties et temporalités trop distinctes pour parvenir à une aussi belle fluidité que ses prédécesseurs. C'est souvent le cas dans un livre où plusieurs récits sont contés, sans autre point commun qu'un lieu mystérieux (le rocher blanc), il y a forcément une ou deux histoires qui semblent plus faibles que les autres et diluent l'intérêt. Ainsi en est-il ici des deux chapitres consacrés au "chanteur" de 1969, un Jim Morrison détruit par l'alcool, la drogue et la notoriété, qui n'a plus que quelques mois à vivre. En revanche, dans les passages consacrés à deux sœurs yoemes, déportées en 1907, le livre atteint des sommets dramatiques que l'on retrouve, à un degré moindre dans l'épisode de 1775 du lieutenant espagnol. Quant au personnage qui ouvre et ferme le livre, cette écrivaine en quête de sens dans son pèlerinage au Mexique, dans un monde déclinant sous les coups de la pandémie et du réchauffement climatique, c'est évidemment une sorte d'autoportrait d'Anna Hope, dans une époque troublée, qui s'interroge sur ses valeurs, ses contradictions et ses capacités d'oubli (l'on vient se ressourcer auprès d'un chamane issu d'un peuple que l'on n'a cessé de persécuter au fil des siècles). Sans être donneur de leçons, Le rocher blanc semble cependant avoir été construit sur l'idée, désormais évidente, que la société occidentale court à sa ruine, pourrie par l'avidité, l'arrogance et le culte de la consommation. C'est cet aspect programmatique, sans doute, avec la dispersion des intrigues, qui a de quoi freiner l'affection à un roman aussi peu porté sur l'espoir, en dépit du patronyme de son autrice.

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le 4 sept. 2022

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