Ne souhaitant pas rester sur l'impression mitigée de "La Chartreuse de Parme" lue en début d'année, je me suis plongée dans l'autre très célèbre roman de Stendhal, "Le Rouge et le Noir". Contrairement au premier, je savais avec celui-ci où je mettais les pieds, connaissant l'histoire dans ses grandes lignes et ayant vu une adaptation à l'écran.
Au final, mon opinion est plus tranchée, j'ai préféré, surtout le premier tome qui se déroule en Franche-Comté, et où Julien Sorel, notre héros, découvre la vie et la société, ainsi que l'amour auprès de Mme de Rênal. Le second tome, à Paris et à l'hôtel de la Môle, souffre de quelques longueurs mais offre dans le même temps de plus nombreux développements touchant la politique, la philosophie, la passion et l'ambition.
ALERTE SPOILER
L'ambition est la vraie héroïne de ce roman à la structure classique et à la plume superbe. C'est avec délectation qu'on lit la prose de Stendhal et qu'on loue son talent à décrire l'idéalisme de la jeunesse, l'immobilisme de la vieillesse et les mouvements de la vie affective de ses personnages très attachants.
Julien Sorel est un jeune ambitieux qui peine à trouver sa place, étant d'extraction basse mais ayant reçu une bonne éducation. Ne voulant plus travailler de ses mains, rêvant de gloire mais étant empêché par son manque de fortune, c'est d'abord vers l'Eglise qu'il tourne ses regards avant de comprendre que son rejet de l'ordre établi s'accommodera mieux de l'opportunisme. Entré à Paris dans une grande maison aristocratique, il débute son ascension, entre amours impossibles et espoirs inassouvis, assujetti à son ambition qui forme la part la plus ferme de sa personnalité.
La vacuité de ses efforts, son incapacité à rester maître de son destin, l'orgueil qu'il ne parvient pas à dompter, l'enterrement de ses illusions juvéniles, le mépris qu'il témoigne à la société qui lui est échue le feront hélas chuter prématurément, lui offrant à titre posthume cette gloire tant désirée.
Et Julien Sorel décrit mieux que moi l'enjeu de toute son existence, à l'heure de la chute, après sa tentative d'assassinat sur la personne de Mme de Rênal : "Mon crime est atroce, et il fut prémédité. J'ai donc mérité la mort, messieurs les jurés. Mais quand je serais moins coupable, je vois des hommes qui, sans s'arrêter à ce que ma jeunesse peut mériter de pitié, voudront punir en moi et décourager à jamais cette classe de jeunes gens qui, nés dans une classe inférieure et en quelque sorte opprimés par la pauvreté, ont le bonheur de se procurer une bonne éducation et l'audace de se mêler à ce que l'orgueil des gens riches appelle la société."
Une sentence qui résonne encore aujourd'hui avec une réelle actualité.