Madame, monsieur, j'ai pris une claque. Comme il y a longtemps que je n'en avais pas pris. Voilà ce que la littérature contemporaine voire ultra-contemporaine a de mieux à nous offrir, et il y a tellement à en dire que j'espère que la recherche universitaire se penchera rapidement sur ce sujet.
Revenons-en au livre. Les phrases sont longues comme du Proust, sèches comme du Faulkner, évocatrices comme du Giono. L'idée de base est séduisante : parallèle est fait, culotté, très risqué, entre la chute des grands Empires (et notamment Rome) et la décadence d'un bar de village en Corse. Et ça tient la route à tous les niveaux. Rousseau et l'effondrement des civilisations écrasées par les Barbares n'est jamais très loin ; sauf que le pessimisme de Ferrari n'est pas une vaine lamentation verbeuse et prétentieuse.
A travers une structure brillamment déconstruite, l'auteur nous balade un peu partout dans le monde, ne nous épargnant pas l'expérience des guerres - sujet littéraire par excellence si ce n'est écueil, cliché, lieu commun lorsqu'on parle des prix Goncourt qui s'en sont fait une spécialité morbide - et nous offre des personnages réels, torturés, extrêmement lucides sur la condition humaine. Tout au long de ces 200 pages extrêmement denses, nous sommes plongés dans des Ténèbres pour mieux nous faire voir la Lumière.
C'est beau, percutant, vertigineux. Et ça donnera envie aux plus athées de se replonger dans Saint-Augustin. Extrêmement impressionnant, l'un des meilleurs Goncourt des quinze dernières années, et surtout, un qui comptera dans celles à venir.