Dans « Le sommeil du dragon », second volume de la trilogie de « La Malédiction de l'Anneau », Edouard Brasey nous propose de découvrir Siegfried, l'antihéros par excellence, qui a l'image dans la mythologie germanique du fort tel que l'entend Nietzsche. Faute narrative diront certains, fidélité à la tradition répondrai-je, Edouard Brasey a comme personnage principal ce Siegfried qui est détestable au plus haut point et avec lequel le lecteur – hormis quelques asociaux déviants irrémédiables – ne peut éprouver aucune empathie et donc aucun désir d'identification. Oui, Edouard a su rester fidèle à cette mythologie et n'a pas hésité à violer une des règles essentielles de la narration en décrivant tous les travers et défauts de son personnage principal qui n'a pour seule qualité, celle de ne pas éprouver la peur. Mais est-ce réellement une qualité ?

Nous avions laissé Brunehilde, la Walkyrie alors qu'elle s'endormait pour une durée plus ou moins longue sur cette montagne inaccessible où seul un héros pourra la réveiller et la ramener à la vie. Je sais que ça fait penser à une autre histoire, mais c'est bien cette dernière qui a plagié la tradition nordique. Auparavant Brunehilde a permis à sa fille Sieglinde d'échapper à la vengeance du monstrueux roi du Gotland, Hunding. Hunding n'a pas hésité à tuer Siegmund, l'héritier du trône du Frankenland, le fils de Brunehilde, le père de l'enfant de Sieglinde. Ils n'étaient pas trop regardants sur l'inceste d'autant qu'ils sont d'essence divine, car leur père n'est autre qu'Odin, le propre père de Brunehilde. C'est assez chargé génétiquement et ils devraient avoir le regard torve et la bave au bord des lèvres, mais l'essence divine ça répare tout.

Sieglinde erre dans la forêt de Fer avec la louve Wolfweisse. Elle trouvera refuge auprès de Regin le géant pleutre, fils d'Hreidmar, le géant qui participa bien involontairement à la Malédiction de l'Anneau qui amena Odin à porter quelques instants l'Anneau de Pouvoir qui doit entraîner le Ragnarök, le crépuscule des Dieux. C'est le frère de Regin, Fafnir qui s'est transformé en dragon et qui garde dorénavant l'or du Rhin et l'Anneau de pouvoir et d'autres artefacts fabuleux tel le heaume d'effroi. Sieglinde donnera naissance à Siegfried. Cet enfant n'éprouve pas la peur et est très sauvage. Il méprise le géant Regin qui fait tout ce qu'il peut pour l'enfant. Attristée par cet enfant si différent, Sieglinde se laissera mourir.

Le temps passe, mais Siegfried est toujours aussi arrogant, même si Regin lui apprend ces secrets qui font que Siegfried peut se transformer en faucon. Il essaye également de lui apprendre la forge, mais l'enfant n'en fait qu'à sa tête et préfère aller vivre avec les bêtes de la forêt. Odin regarde sa descendance et désire lui rendre son royaume du Frankenland. Pour cela Odin intervient encore dans la vie des hommes et donne à Siegfried un cheval et le pouvoir de reforger Notung, l'épée de détresse que le nibelung Alberich créa pour équiper le roi de Frankenland qui épousa Brunehilde et qui fut brisée lorsqu'Odin laissa Hunding tuer Siegmund.

Pendant ce temps, Alberich conteste le rôle de roi des Nibelungen que tient Andvari car ce dernier est celui qui perdit le trésor du Rhin et l'Anneau du Nibelung. Alberich est le père du premier enfant de la reine des Burgondes, le royaume au sud du Frankenland. Cette reine, Gudrun, est veuve du roi Gjukir avec qui elle eut deux enfants, l'insouciant Gunnar et Kriemhilde, la cadette. Cette dernière est revendiquée comme épouse par Hunding, sinon il attaquera le royaume des Burgondes. Mais Gudrun a une autre idée en tête et Siegfried va s'y trouver mêler, car bien avant de tuer Fafnir pour conquérir l'Anneau, il a bien l'intention de tuer Hunding pour venger son père.

Ce roman est bien écrit et un court chapitrage ne le rend pas lassant du tout. Certes, il y a deux redites de taille par rapport au premier volume au travers de l'origine de la Malédiction de l'Anneau qui nous est contée une fois encore, tout comme la lignée humaine d'Odin et toutes les mésaventures qui lui arrivèrent jusqu'à Siegfried. Il convient de dire que cela permet à un lecteur de lire ce roman sans avoir lu le premier volume. Pour ma part, j'ai espéré à chaque page - fou que je suis – que Siegfried mourrait rapidement afin de nous débarrasser de sa détestable personne, mais il n'en est rien. Dans ce volume c'est le dragon Fafnir qui ponctue chaque début de partie avec son histoire et son attente de la mort qui lui est prédite. Edouard Brasey m'enchante toujours autant et je suis émerveillé par le talent dont il use pour rendre supportable la présence de Siegfried. Une suite remarquable.
Bobkill
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le 30 janv. 2011

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