Dans une petite station de vacances de Mother Lode Lake, la vie suivait paisiblement son cours jusqu'à l'apparition d'une drogue pas comme les autres : le sourire noir. Celui-ci permet à ceux qui l'ingurgitent de se sentir heureux, intelligents, de rigoler de tout et de rien en profitant de la vie, et surtout de manger à l'infini tout en maigrissant ! Awesome, comme on dirait aux Etats-Unis. Le truc, c'est que la CIA, la Mafia ou encore une entreprise pharmaceutique s'intéressent au produit. Alors quand David Sarella, héros du livre et transposition littéraire de l'auteur himself, se retrouve au centre du complot, on peut s'attendre à tout un tas de péripéties et de rebondissements en tout genre.

Et ça ne loupe pas. Des péripéties il y en a, et des rebondissements presque autant. Le soucis, c'est que dans la première moitié du livre, tous les thèmes abordés restent très classiques pour du Brussolo : la Mafia, la drogue, la CIA, le complot apocalyptique, les hallucinations, etc. Difficile de savoir si c'était la première fois qu'il les évoquait lors de sa sortie en 1994, mais personnellement je les ai déjà vu de nombreuses fois auparavant, dans la Nuit du Bombardier (1989) / Boulevard des Banquises (1989) pour les hallucinations, Rinocérox (1992) / Le Murmure des loups (1990) / La Princesse Noire (2004) pour l'apocalypse, Baignade Accompagnée (2000) pour la drogue et la mafia, Iceberg Ltd (2000) pour l'apocalypse et la mafia, etc.

Bref, on est en terrain connu pour du Brussolo. Alors oui, ça se lit bien, mais il y a quelque chose qui m'empêche d'accrocher, un je ne sais quoi qui fait que si j'étais toujours content de le lire (le style, toujours aussi agréable, y est sûrement pour quelque chose), je n'étais jamais pressé de continuer ma lecture. L'aventure se déroulait comme elle devait se dérouler pour un Brussolo, sans surprise. Typiquement, lorsque David se fait piquer par la mafia, même sans connaître l'auteur on sait très bien ce qu'il s'est fait injecter. Alors en le connaissant, c'est plus qu'évident... Et pourtant, c'est amené comme un pseudo-mystère pendant quelques pages. La progression est aussi entravée par quelques Deus Ex Machina, des trucs un peu chelous qui font qu'on ne rentre pas non plus à fond dans le récit (le coup du mec qui connait l'Amérique par cœur, euh ok...).

J'appréciais donc ma lecture, mais n'étais pas spécialement convaincu. En revanche, dans le dernier tiers le livre devient bien plus passionnant. Tout s'accélère, les évènements prennent des tournures appréciables, et la folie qui ronge de plus en plus le héros est relativement savoureuse. J'ai également trouvé toute la fin très intelligente, depuis le sublime passage de la patinoire jusqu'à la dernière phrase, pour une fois très réussie. Brussolo a souvent du mal à écrire de bonnes fins, mais celle-ci est particulièrement marquante : il joue beaucoup avec la réalité, la perception de la réalité et la folie. Et il joue très bien.

Un dernier élément que je me dois de mentionner est la critique de la société Américaine, particulièrement efficace. J'aime d'ailleurs beaucoup chacun des passages mentionnant les Français, ils sont souvent drôles. Les maisons d'édition en prennent pour leur grade aussi, mais ce qui marque le plus c'est indéniablement les problèmes psychologiques dont souffre David... et par extension Serge Brussolo ? L'auteur a-t-il déjà eu envie, comme son avatar, d'aller faire sauter quelques têtes dans les écoles ? Le mystère restera entier, et restera surtout assez glauque.

Le Sourire noir n'est donc pas un des meilleurs Brussolo que j'ai pu lire, mais je pense qu'il me marquera. Non pas dans sa globalité, mais ponctuellement. Certains passages, certaines folies, et puis cette fin, qui semble parfaitement claire mais dans laquelle je ne peux m'empêcher de voir un potentiel sens caché. Pour les amateurs de thriller, ça reste quand même du haut niveau.

Sinon, rien à voir, mais je trouve que le héros a, passé un certain stade du livre, beaucoup de points communs avec ce gentil Monsieur :
https://www.youtube.com/watch?v=F_5dP_83O7o
C'est assez rigolo d'appliquer une dernière fois le processus de transitivité, et d'imaginer Brussolo à sa place. Quand on vous dit qu'il a quelques soucis cet auteur.
VGM
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le 4 janv. 2015

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