Le Vampyre
6.7
Le Vampyre

livre de John Polidori (1819)

Eté 1816 (soit environ un an après la sanglante bataille de Waterloo), Polidori alors secrétaire de lord Byron, fait partie du groupe de 5 personnes séjournant villa Diodati au bord du lac Léman. Byron était avec sa maîtresse Claire Clarmont, belle-sœur de Mary, 19 ans, la toute jeune épouse du poète Percy Shelley. L’atmosphère restant désespérément pluvieuse, un soir un défi fut proposé, écrire dans les 24 heures une histoire fantastique. Mary Shelley proposa Frankenstein ou le Prométhée moderne (la production du moment n’étant probablement qu’une ébauche, le récit fut publié en 1818). Autre ébauche, celle produite par Byron qui s’en désintéressa. C’est Polidori qui prit l’initiative de terminer le récit. Les histoires de vampires (terme apparu en 1725 en Allemagne) héritières des histoires de fantômes, alimentaient la superstition populaire, une superstition qui remonta jusqu’à la Cour de France.


Le jeune Aubrey, rejeton d’une bonne famille londonienne fait la connaissance de lord Ruthven, qui intrigue (dans les deux sens du terme) partout où il passe (les salons huppés). D’une belle prestance mais pas beau, yeux gris et surtout le visage très inexpressif, il attire invariablement la curiosité, en particulier des femmes. Aubrey l’approche et les deux hommes deviennent amis. Mais rapidement, Aubrey l’idéaliste réalise que Ruthven est d’un cynisme sans nom, sa vraie nature étant de corrompre tous ceux qu’il approche. Ne supportant plus cette amitié, Aubrey fuit. Par bonheur, en Grèce il rencontre la charmante Ianthe avec laquelle il file le parfait amour…


Bien entendu, la fuite est illusoire et l’amour une douce rêverie. Aubrey cherchera le calme de l’isolement mais trouvera à nouveau Ruthven sur son chemin. Est-ce bien raisonnable d’écouter Ianthe raconter des histoires de vampires ? A force de frissonner, la réalité peut rejoindre la fiction. De plus, Ruthven s’arrange pour qu’Aubrey lui soit lié par un pacte. Sa nature différente des purs humains finit par ressortir, pour salir les plus purs desseins, les plus innocentes créatures, de préférences celles qui tiennent le plus au cœur de celui qu’il tient en son pouvoir !
Dans ce récit d’une trentaine de pages, il n’est pas immédiatement question de vampires, l’auteur ménageant ses effets, l’impression étant certainement moins forte qu’à la parution (1817). Polidori (qui n’a jamais rien publié d’autre) joue sur la peur que les vampires inspirent, mais en utilisant le thème à sa façon. Le vampire est l’ultime avatar pour ceux qui rêvent d’immortalité. Comme par hasard, on parle de vampires à une époque où l’immortalité du corps n’est plus promise par l’Eglise catholique. Ici, un seul vampire est présenté, lord Ruthven, et son emprise ne s’exerce que sur les femmes. Son pouvoir ne semble pas se transmettre, car ses victimes ne survivent pas. Son dessein est de les épouser, mais sans raison explicite. Il incarne une sorte de génie du mal. Ce mal qu’on déplore mais qui fascine pour cause de réussite. A noter que Polidori qui détestait Byron ne s’est pas gêné pour le mettre en scène sous les traits de lord Ruthven !

Electron
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le 1 déc. 2014

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