Amoureuse des forêts, démiurge des Terres extra-terrestres, Ursula Le Guin semble avoir du mal à se diriger dans le vent, même celui d'ailleurs.
Ce livre, sixième et ultime épisode du cycle de Terremer , Le Vent d'ailleurs ne trouve pas de réelle conclusion à cette saga lancée sans réelle motivation, et au cours de laquelle l'auteure semble s'être forcée à en trouver une. Le fil directeur de l'épisode, malgré une trame régulière, reste des plus incertains. Sans se perdre dans des atermoiements domestiques ternes, voire sinistres comme elle nous l'avait infligé dans trois des épisodes de la saga, Ursula Le Guin construit là une histoire en forme d'interminable introduction à l'action, puis dans les vingt-cinq dernières pages flambe en une apothéose de révélations sublimes qui nous laissent pantois. Comment en effet donner de la valeur à l'aboutissement fantastique du destin des personnages et de l'archipel lui-même quand 90% de l'histoire est faite d'historiettes psycho-domestiques tournant autour de la famille royale, et dignes d'une compilation faite par le magazine "Closer" ? L'écrasante majorité de ce récit rapporte une croisière sans histoire et sa préparation rendue difficile par le fait qu'une princesse qui doit y participer l'appréhende car elle a peur de l'eau. J'exagère à peine, et ce qu'on a bien du mal à définir comme l'intrigue du roman se colore trop souvent ainsi, malheureusement.
Une aventure qui n'en est pas une, donc. Mais la romancière n'en était-elle pas consciente ? La postface à cette histoire ajoutée à cette édition-recueil de Terremer est la plus courte de toutes celles qu'elle a produites. Une conclusion vite emballée où l'on peut lire ceci au sujet de Terremer : "Je n'essaierai pas ici d'expliquer de quoi il retourne. On m'a demandé des milliers de fois de m'exprimer sur ce que les histoires "veulent dire", et chaque fois j'en ai retiré la certitude accrue que si j'avais raconté l'histoire correctement, il était de la responsabilité du lecteur de l'interpréter ou d'y trouver un sens". Ah, oui, quand même... Donc, si j'ai bien compris, après plus de 1600 pages de récits et de postfaces explicatives les (nombreux) lecteurs qui ne comprennent pas où Ursula voulait en venir ne peuvent s'en prendre qu'à eux-mêmes ? Autant en emporte le vent d'ailleurs, alors...
Pour moi la preuve est donc faite que la Fantasy est un style auquel Ursula Le Guin, la fabuleuse créatrice du Cycle de Hain n'aurait pas dû s'atteler, et surtout pas avec tant d'insistance.
Et le nom de ce monde imaginaire restera définitivement Déception.