Le village de l'allemand, de Boualem Sansal. C'était un livre de la rentrée littéraire de 2008, si je me souviens bien. (Après vérification, c'était en fait début 2008, et il a d'ailleurs obtenu le prix 2008 de la Francophonie).
L'histoire : en 1996, le frère de Malrich (Malik-Ulrich) Schiller, Rachel (Rachid-Helmut), se suicide, dans son pavillon de la banlieue parisienne. A la fin de l'enquête, le commissaire lui remet le journal de son frère, commencé lorsqu'il a appris la mort de leurs parents, assassinés dans leur village algérien par des islamistes du GIA, en 1994. Leur père était d'origine allemande, et en lisant le journal de son frère, Malrich fait à son tour les découvertes qui ont conduit son frère au suicide : son père était un des bourreaux de l'Holocauste, membre des SS et gardien de différents camps, réfugié en Algérie à la fin de la guerre via les filières suisse, turque et égyptienne.

Le livre est l'histoire parallèle de la descente aux enfers de Rachel lorsqu'il s'enfonce dans la noirceur de la vie de son père, de tout ce qu'il a vécu et qui l'a conduit au suicide, d'une part, et de la révolte de Malrich, d'autre part, lorsqu'il fait ce même chemin de découverte, et qu'il fait un parallèle avec la vie dans sa cité, via leurs journaux intimes entremêlés.
Les deux frères sont extrêmement différents, l'un très éduqué (école de commerce) et ayant bien "réussi" dans la vie (poste dans une multinationale, femme française, petit pavillon de banlieue), et l'autre qui a arrêté l'école très tôt, qui vit de petites embrouilles, et qui vit toujours dans la cité, où il voit l'islamisme se développer depuis quelques années.
Et c'est cette réflexion sur l'islamisme et le parallèle qu'il est possible de faire avec le nazisme qui sert de fil conducteur au livre. C'est dommage, parce que cette réflexion n'est pas assez poussée, on en voudrait plus, on voudrait plus d'informations, et surtout une ouverture, quelque chose. Parce que j'ai reposé le livre avec une envie de crier, de faire quelque chose, et que le livre ne m'a même pas dit ce que Malrich allait faire de toute la révolte qu'il a emmagasinée à la lecture du journal de son frère, à la réflexion sur les actions de son père. Parce que le constat final est très noir, très pessimiste. Parce que c'est beaucoup trop réaliste, et que j'aurais sans doute aimé un peu de fiction, quelqu'un qui soit capable de sauver le monde (je suis optimiste comme ça, oui), ou au moins de crier sa rage.

L'écriture est incisive et réaliste, ça se lit vite même si ce n'est pas drôle du tout, la réflexion est intéressante, les informations sur les anciens nazis réfugiés en Algérie sont passionnantes, ouvrent une toute nouvelle perspective sur quelque chose qu'on ne sait pas assez, sur ces anciens SS envoyés en Algérie pour aider à la guerre d'indépendance, en tant que moudjahidins.

J'ai rencontré l'auteur du livre. C'était un type passionnant, un intellectuel d'une soixantaine d'années qui a, de son propre aveu, passé des années le nez dans des archives pour documenter son bouquin, qui s'est engagé en Algérie contre certaines positions du pouvoir en place, ce qui lui a valu d'être limogé de son emploi de haut fonctionnaire dans un Ministère, bien qu'il vive toujours en Algérie. Quelqu'un qui sait de quoi il parle, en tout cas. D'autant que l'idée du livre lui est venue d'une histoire vraie. (Entretien avec l'auteur ici : http://bibliobs.nouvelobs.com/20080109/2505/la-frontiere-entre-islamisme-et-nazisme-est-mince)
Yélèn
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le 29 sept. 2011

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