Satire paranoïaque de la guerre froide, sauce Dick

Quand parait "le zappeur de mondes" en 1965, le monde commence à reprendre son souffle : la crise des missiles de Cuba, 3 ans auparavant, avait placé la civilisation au bord du gouffre, et depuis, la Détente s'amorçait. Sans doute que ce paroxysme de la guerre froide est encore très présent dans l'esprit tourmenté et paranoïaque de Dick, au moment d'écrire ce roman assez méconnu, flippant et drôle à la fois.

Dans cette lointaine année 2004 (lointaine, dans le futur ; oui, ça fait mal), la guerre froide a évolué en un spectacle truqué : les élites des Blocs se sont mis d'accord en secret, et mettent en scène leurs créateurs de mode d'armement (!), qui, lors de transes qui les plongent dans l'hyperdimension, rêvent des plans (bidons) des nouvelles armes qui anéantiront l'Ennemi. Une manière de prendre soin des populations, qui seraient sûrement bien désemparées si cet affrontement à distance s'arrêtait subitement. Sûrement... A moins que ce ne soit un moyen de sauver la face, pour ne pas avoir à reconnaitre officiellement l'absurdité d'une guerre prise depuis des décennies dans l'engrenage de la croissance. Médisant, le Dick...

On avait déjà là de quoi savourer une histoire bien piquante. Mais rien n'arrête l'américain (qui est dans ses années les plus prolifiques), et il va ajouter quelques ingrédients pour épicer l'ensemble : un créateur de mode d'armement de l'ouest qui tombe amoureux de son homologue soviétique Toptchev (non, elle n'a pas gagné un concours de cuisine), mais dont la petite amie est bien bien jalouse (au point d'espionner son inconscient) ; des citoyens qui se croient choisis pour être le gouvernement de l'ombre (autre tromperie de l'élite) et qui se révèlent encore plus fanatiques que leur recruteurs ; des aliens qui débarquent (ahhh !!), avec pour fâcheuse conséquence que les Blocs demandent désormais à leur créateurs de fabriquer de vraies armes ; sinon...

Un roman paranoïaque et satirique à la fois, dans lequel on sent le besoin qu'a Dick de parodier ces puissances qu'il exècre, tout en ayant peur de l'étendue réelle de leur contrôle sur les peuples. Même si le récit souffre de certaines longueurs, de baisses de rythme, on passe un bon moment à se moquer dans son fauteuil des stratégies absconses des politiques et des militaires. Mais on flippe malgré tout un peu avec ce cher Philip, pas si parano que cela finalement, car même si les Blocs semblent s'être dissous depuis, les menaces, elles, bien que différentes, demeurent. Non moins effrayantes.

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le 31 janv. 2014

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