Ce roman, ma première vraie rencontre avec Edith Wharton, s'est laissé lire avec un plaisir inattendu. On y suit les péripéties d'Undine Spragg, jeune ambitieuse qui, ayant (en)traîné ses parents de leur province d'Apex à New York, se propose de monter les échelons de la bonne société américaine. Le titre français Les beaux mariages dévoile une partie de la stratégie déployée à cet effet par l'héroïne. Undine est une figure de jeune fille étonnante. Pas oie blanche pour un sou, corrompue avant même d'avoir fait son entrée sur la scène sociale où elle entend briller. Le roman décrit sa trajectoire des deux côtés de l'Atlantique qu'Undine, comme son auteure Edith Wharton, ne cesse de traverser, attirée par le lustre des faubourgs parisiens. La volonté têtue de l'héroïne, qui la porte de chapitre en chapitre et de triomphes en déconvenues, n'est pas sans rappeler quelques personnages balzaciens - habituellement masculins. Cependant, là où Balzac ne dissimulait pas sa fascination pour les hommes d'action, Edith Wharton se montre autrement plus cynique.
Le roman dépeint les mutations sociales et politiques d'un monde qui n'a pas encore tout à fait digéré le siècle précédent. On y retrouve les vieilles noblesses - américaines et européennes - et les vieilles hiérarchies d'antan mais les traditions perdent lentement du terrain, et l'avenir appartient indubitablement aux audacieux de la trempe d'Undine ou du mystérieux Elmer Moffat. Dans ce monde nouveau, les relations perdent en candeur pour prendre les allures de transactions financières dont Wharton emprunte fréquemment le langage. On pourrait lui reprocher de noircir un peu le tableau mais le résultat final est impressionnant. Son héroïne, toute détestable soit-elle, est aussi un fascinant portrait de femme habitée de désirs autrement moins nobles que ceux attribués d'ordinaire aux jeunes filles de son âge. Je n'avais jamais entendu parler de The Custom of the Country, qui s'est trouvé dans mes mains tout à fait par hasard, mais j'espère continuer à lire d'autres romans de Wharton aussi vite que possible.

Maftaline
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste 2016/2017 en livres

Créée

le 4 nov. 2016

Critique lue 218 fois

2 j'aime

1 commentaire

Maftaline

Écrit par

Critique lue 218 fois

2
1

D'autres avis sur Les Beaux Mariages

Les Beaux Mariages
Maftaline
8

Transactions sentimentales

Ce roman, ma première vraie rencontre avec Edith Wharton, s'est laissé lire avec un plaisir inattendu. On y suit les péripéties d'Undine Spragg, jeune ambitieuse qui, ayant (en)traîné ses parents de...

le 4 nov. 2016

2 j'aime

1

Les Beaux Mariages
Swanney
10

Critique de Les Beaux Mariages par Swanney

On n'a pas souvent un livre entier dédié à la vie d'une femme qui décide de sortir des codes de la morale féminine. Ou si on l'a, elle finit par être punie, souvent en mourant dans les dernières...

le 24 juil. 2021

Du même critique

The Argonauts
Maftaline
8

Le corps de la mère

A writer is someone who plays with the body of his mother. Cette citation, empruntée à Roland Barthes, revient plusieurs fois dans ce mémoire-essai, où il est question de famille, d'identité queer,...

le 9 déc. 2016

1 j'aime

La couleur du souvenir
Maftaline
6

Un instantané du Londres des eighties

La Couleur du souvenir est un roman finalement attachant bien qu'il ne s'y passe, semble-t-il, pas grand chose. Les personnages - un groupe d'amis vivant à Brixton dans l'Angleterre des années 80 -...

le 23 févr. 2016

1 j'aime

1