Les Chemins de Katmandou est un roman de René Barjavel parut un an après les événements de 1968 - et cela a son importance , croyez moi - en plus d'être tiré d'un film sorti la même année que sa parution , avec Jane Birkin dans un des premiers rôles et une musique de Serge Gainsbourg. Barjavel est un auteur Français que je trouvais fantastique avant de lire son décevant et exagérément surcoté La Nuit des Temps. Je fondais donc en ce roman ci peu d’espérances.
Les Chemins de Katmandou nous narre les tribulations d'une jeunesse désillusionné : celle de Nanterre , de la Sorbonne et du monde étudiant en général à la sortie des compromis qui conclurent les événements de Mai 68. Olivier fait partie de ces rares étudiants Français à avoir considéré le retour au calme en France comme un agenouillement docile face aux forces invisibles du capitale. En colère , et désireux de ne plus être la brebis des mouvances pseudo-révolutionnaires de son époque , ce jeune parisien va entreprendre un voyage jusqu'au Népal afin de partir à la rencontre d'un père qu'il n'a jamais connu et qui semble y avoir fait fortune par le biais d'un complexe hôtelier pour milliardaires. Là bas , il va y rencontrer une culture tout à fait hors du commun , des hippies de tout les horizons , et surtout l'amour en la personne de Jane , jeune britannique tout aussi perdue que lui ou tout les autres...
Si je devais ne dire qu'une chose de ce livre ci c'est qu'il n'est pas fantastique. Mais il est suffisamment intéressant pour réconcilier n'importe quel lecteur déçu par Barjavel avec le reste de l'oeuvre du monsieur.
Le début du roman confirme , malheureusement , les propos de Pierre Desproges à l'égard de l'auteur , mort en 1985 , lorsque icelui disait dans un billet d'humeur - disponible par ailleurs sur Youtube - que Barjavel faisait partie de son vivant de ces vieilles personnes qui tentent vainement de parler au nom de la jeunesse. Néanmoins , ce constat évolue progressivement vers une approche tout à fait singulière de la mouvance hippie , de la démagogie occidentale et surtout du carnage abscons de cette jeunesse qui au lieu de se battre chez elle afin de donner un vrai sens social au terme progrès a préféré se diluer dans des pays comme le Népal afin de littéralement disparaître , laissant place à des êtres dénudés de toute ambition ou de toute dignité fondamentale. J'ai vu dans Les Chemins de Katmandou cette ode à la réflexion et à la mesure que l'on peut retrouver dans le génial La Plage d'Alex Garland - un roman que l'on devrait , là aussi , donner gratuitement à chaque routard , ou chaque hippie au monde afin de les calmer un bon coup avant de partir donner des leçons au monde entier , ou juste embouteiller des pays du tiers monde qui n'ont pas demandé à se coltiner toute la misère humaine de cet Occident incapable de se réformer un grand coup ou juste de vivre avec ses erreurs.
Un bon roman , combinant à l’âpreté du réalisme sale une enveloppe mystique et poétique , digne de l'auteur de L'Enchanteur - qui traite , étrangement , lui aussi de décadence programmée. Barjavel remonte dans mon estime.