D’Isaac Asimov, tout amateur de science-fiction connaît (au moins de nom) les grands classiques que sont les cycles des Robots et de Fondation. Mais le célèbre écrivain américain d’origine russe compte quantité d’autres œuvres à son actif : tout un tas de nouvelles, des ouvrages de vulgarisation, ou encore diverses collaborations avec Robert Silverberg. Ce dernier est justement à l’origine du roman auquel je m’attaque aujourd’hui. S’il a été entièrement écrit par Isaac Asimov, il doit en bonne partie son existence à cet autre géant de la science-fiction. Tout part d’un élément impossible, le « plutonium-186 », évoqué nonchalamment par Silverberg lors d’un colloque. Scientifique dans l’âme, son ami Asimov ne put s’empêcher de lui signaler son erreur, et de la lui prouver par l’absurde. C’est ainsi que naquit Les Dieux eux-mêmes (The Gods Themselves, en anglais), un récit en trois parties sorti en 1972 qui tranche considérablement avec le reste de ses œuvres.


Dans un avenir pas trop lointain (mais un peu quand même), à la suite d’une série de hasards bien exploités, un scientifique plutôt chanceux a réussi à mettre au point la « Pompe à électrons ». Derrière ce nom barbare se cache une source d’énergie inépuisable. Sa source ? Un univers parallèle. On ne sait rien sur ses habitants, si ce n’est qu’ils sont à l’origine de ce miracle technologique qui garantit une prospérité durable à l’humanité, et qu’ils en tirent eux-aussi profit. Certains, pourtant, doutent. Guidés par des motivations tantôt altruistes, tantôt égoïstes, quelques scientifiques marginaux sont intimement persuadés que cette Pompe mène la Terre à sa destruction. Encore faut-il le prouver, ce qui n’est pas une mince affaire vu l’immense popularité de son créateur à l’ego surdimensionné, bien décidé à écraser quiconque mettra en doute les bienfaits de « son » invention.


Les débuts du livre ne surprennent pas vraiment et mettent en scène des scientifiques plongés dans des réflexions tantôt profondes sur la structure de l’univers, tantôt triviales et mesquines. Le rythme est pourtant bon et le récit évite d’être trop bavard (un reproche que l’on pourra adresser aux derniers romans du cycle de Fondation, qu’Asimov écrira durant les décennies suivantes). Pourtant, l’histoire ne prend réellement son envol qu’à l’entame de sa seconde partie, qui nous envoie à l’autre bout de la Pompe. Nous découvrons alors un univers étonnant, dans lequel Isaac Asimov laisse libre cours à son imagination et à diverses réflexions sur la condition humaine. Complètement à part, cette partie du roman est une petite pépite d’inventivité. Qu’on ne se méprenne pas : Asimov est sans aucun doute un grand auteur, mais il n’a probablement jamais été aussi loin et avec autant de talent que dans ces quelques dizaines de pages, même si la troisième partie, plus classique, ne manque pas non plus de qualités.


Isaac Asimov dira plus tard que Les Dieux eux-mêmes était son roman de science-fiction préféré, et on peut difficilement le contredire sur ce point. Sa construction très équilibrée évite toute lassitude et ses thèmes variés lui donnent toute sa substance. De plus, la plupart de ses personnages s’avèrent complexes, parfois pétris de contradictions et surtout fondamentalement humains. On pourrait même ajouter que malgré son âge avancé (plus de quarante ans), cette histoire n’a presque pas vieilli. Dans sa façon de décrire l’aveuglement de toute une société face à une menace dont l’origine n’est autre que la source de sa prospérité, on pourrait même dire qu’elle est plus d’actualité et plus pertinente que jamais. Voilà comment à partir d’un simple défi lancé par orgueil, Isaac Asimov a finalement écrit un sacré bon bouquin. Peut-être même son meilleur.

Nonivuniconnu
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le 11 nov. 2015

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