Quand Mme SanFelice m'a mis au défi de lire ce bouquin du "légendaire" John Gray (vous savez, le mec qui prétend que nous venons de planètes différentes, ce qui n'est pas vrai ; seules les femmes sont des extraterrestres), j'ai eu un instant de doute : pourrais-je tenir plus de 300 pages ? habituellement, les livres de psychologie de comptoir, je passe sans m'y arrêter. mais là, il en allait de mon honneur ! L'image de la France était en jeu ! Je me devais de relever le défi, pour sauver la patrie !
mais non, j'en fais pas trop...


Je ne m'attendais pas à grand'chose. je ne fus pas déçu.
L'introduction, à elle seule, vaut son pesant de cacahuètes. Avec une modestie qui n'a rien à envier à celles de Rousseau et Hugo réunis (le génie en moins, bien évidemment), Gray prétend avoir sauvé non pas des dizaines, ni même des centaines, mais bien des milliers de couples ! "La liste des foyers qui ont tiré parti des enseignements et des préceptes de cet ouvrage est infinie." Grâce soit rendue à John Gray, qui, par son incessant travail, a pu sauver les États-Unis et en a fait un havre de paix où on ne dispute et on ne punit plus le moindre enfant, ce qui leur permet de se flinguer avec bonne humeur dans le premier lycée venu.
John Gray a une bête noire, c'est la punition. Qu'elle soit physique ou verbale, elle lui est intolérable. Toujours lors de cette introduction tout en finesse, il compare les parents qui punissent leurs enfants aux dictateurs européens du XXe siècle. Donner une fessée à son gosse et exterminer 6 millions de Juifs : même combat !


Mais alors, en quoi consiste la méthode John Gray ? Encourager les gosses, ne jamais les disputer, ne jamais les punir, mais les récompenser. Pire : ne pas leur donner le moindre ordre, mais leur suggérer des activités et présenter le rangement de chambre de façon ludique.
Gray présente les deux autres méthodes : la manière forte, et la manière "douce", c'est-à-dire permissive. Il rejette, bien entendu, ces deux types d'éducation en se prétendant quelque part au milieu. Certes, mais si on regarde attentivement, John Gray nous dit : d'éviter de contrarier les enfants, de les récompenser, de ne pas les frustrer, de ne pas s'opposer à eux, de ne pas les punir, de ne pas même relever leurs erreurs ou leurs fautes... Il va même jusqu'à affirmer que, de temps à autre, on peut céder aux caprices. Si ce n'est pas la méthode de "l'enfant-roi", ça y ressemble beaucoup !
On peut cependant y relever une petite hypocrisie. En effet, John Gray dit qu'il ne faut jamais punir les enfants, mais qu'il faut les récompenser quand ils font quelque chose de bien. D'accord, mais priver d'une récompense, ça revient à punir, non ?


Le pire, dans tout cela, est l'incroyable cynisme que ce livre laisse présager. Il est évident que, dans l'Occident moderne, de nombreux parents ne savent plus comment faire pour éduquer leur progéniture (je ne peux même pas dénombrer le nombre de géniteurs/génitrices qui m'ont dit sincèrement : "je ne sais pas comment vous faites pour le supporter et en tirer quelque chose, parce que moi, à la maison, je ne peux rien en faire"). On leur dit, en haut lieu, que c'est un crime de donner, de temps en temps, une correction, et que celui qui donne une fessée équivaut à celui qui tabasse allégrement ses gosses. Pire : je suis convaincu (je le sais, en fait, parce que, là aussi, j'y ai assisté dans le cadre de mon métier) que des parents ont peur de leurs propres enfants. Du coup, ils font le plus simple : rien. Puisqu'il y a un Ministère de l’Éducation Nationale, qu'il se charge de l'éducation des enfants, et qu'on laisse les parents tranquilles, nom de Zeus ! (si je tenais le bougre d'idiot qui a changé l'appellation du ministère ! Après tout, Instruction Publique, c'était bien mieux)
Et là arrive un mec comme John Gray qui apporte le plus grand mensonge de tous les temps : l'existence d'une formule magique pour éduquer des enfants. Et qui marche avec tout le monde, bien entendu ! Parce que ce profiteur ne se prive pas de faire d'improbables généralisations en disant que tous les enfants réagissent de la même façon, alors que l'on sait que tant de critères différents doivent être pris en compte !
Et dire que, de nos jours, Lino Ventura n'aurait même plus le droit de donner une gifle à Adjani...

SanFelice
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le 4 oct. 2015

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