Certes, il y a dans ce roman historique, une narration truffée d’astuces moyennement subtiles ou trop convenues. Cependant il y a un souffle, une pérégrination haletante dans plusieurs villes italiennes au 17ème siècle, parce que ces fiancés, Renzo et Lucia sont obligés de se séparer et de fuir une tyrannie ourdie au premier chef par un « brave » – c’est-à-dire un bandit, en l’occurrence privilégié par le fait de son statut et de son influence – Manzoni raconte, analyse, à travers cette histoire, (et d'autres, secondaires, intercalées dans le récit) les résultats du despotisme, d’un état qui la laisse faire ou l’encourage, ceux de la bêtise, de la couardise.



« – Taisez-vous donc ! reprit don Abbondio, qui se fâchait, mais à voix basse : Taisez-vous ! Vous ne savez pas ce que vous dites. Priez le ciel qu’ils se hâtent, les soldats, et qu’ils ne viennent pas à savoir les choses qu’on fait ici, et que l’on arrange cet endroit comme une forteresse. Vous ne le savez pas, que les soldats, c’est leur métier, de prendre des forteresses ? Ils ne cherchent que cela ; pour eux, donner l’assaut, c’est une vraie fête ; tout ce qu’ils trouvent est pour eux, et ils passent les gens au fil de l’épée. Oh, pauvre de moi ! Mais assez, je verrai s’il y a moyen de se mettre en lieu sûr là-haut, dans ces rochers, car une bataille, on ne m’y prendra pas, ah ! l’on ne m’y prendra pas.
– Si vous avez peur d’être défendu et secouru… reprenait Perpetua ; mais don Abbondio l’interrompit âprement, toujours à voix basse, cependant : Taisez-vous ! Et gardez-vous bien de rapporter mes propos. Souvenez-vous qu’ici, il faut toujours montrer un visage souriant, et approuver tout ce que l’on voit. »



Si mon intérêt a été un peu inégal tout le long de cette lecture, le plus sidérant, le plus saisissant et le plus dur aussi, est survenu avec la peste. Une force qui bouleverse tout, mais Manzoni en parle longuement et avec un regard d’une intelligence exceptionnelle. C’est pour la population qui anime ce récit, le refus le plus total d’y croire, puis la suspicion, le désordre, le chaos, le mensonge, la cruauté aussi, qu’elle peut engendrer. La maladie pourrit tout, et j’ai trouvé par moment que ce qui était raconté n’était pas beaucoup moins insoutenable que les horreurs des Bienveillantes. Mais c’est néanmoins la profonde compassion de l’auteur qui m’aura transporté à ce moment-là.



« Ses yeux commencèrent à parcourir, même à considérer de nouvelles misères, si semblables d’un côté, à celles déjà vues, et d’un autre, si différentes ; car, sous les coups d’une même calamité, il y avait là, pour ainsi dire, une autre manière de souffrir, une autre manière de languir, une autre de gémir, ou d’endurer, une autre de compatis et de s’entraider ; et pour qui regardait, une autre sorte de pitié, et d’horreur. »


Elouan
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le 20 févr. 2017

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