Un plaisir de lecture pas aussi haut que je l'espérais

Voici un ultra-classique de la littérature britannique du XIXème siècle. C'était le premier roman de son auteure et même son seul roman puisqu'on sait qu'Emily Brontë s'éteignit très peu de temps après la publication de ce premier ouvrage.


Au risque de ne pas m'attirer que des sympathies, j'ose prétendre qu'effectivement, l'oeuvre Les Hauts de Hurle-vent (ou tout autre avatar de titre selon les différentes traductions) porte les stigmates caractéristiques des premiers romans de leurs auteurs ; à savoir, de belles promesses mais peut-être pas encore la maîtrise qu'il faudrait pour parler d'authentique chef-d'oeuvre de la littérature.


En effet, bien qu'assez agréable à lire, à une foule d'endroits, j'ai trouvé le texte peu convaincant car sans doute pas abouti comme il l'aurait vraisemblablement été si l'auteure avait eu un peu plus d'expérience à son actif. Je vais me limiter aux seuls exemples du narrateur et du décès des personnages.


Dans le roman, il y a plusieurs narrateurs, parfois emboîtés comme des poupées gigognes. le premier d'entre eux, M. Lockwood est un personnage tout à fait inutile qui n'a aucune part dans l'histoire et dont le secours n'apporte strictement rien en l'état. (La situation aurait probablement été différente s'il avait tenu un rôle à la fin, ce qui eût été d'après moi plus logique car on eût mieux compris pourquoi il tenait tant à nous raconter cette histoire.)


La narratrice principale est la femme de chambre, Nelly Dean qui occupe une fonction narrative assez proche de celle que l'on rencontre dans les romans policiers à énigme de type Conan Doyle ou Agatha Christie. Pourquoi pas, mais tout cela fait très factice : elle tombe malade, par exemple, pile quand cela arrange l'histoire, de même que M. Lockwood. (Les autres narrateurs arrivent également chargés du montant exact de matériel narratif qui convient au moment précis où il doit intervenir, cela peut être une lettre du personnage incriminé qui est écrite très à-propos, ou bien encore le récit d'une femme de chambre rencontrée au village et qui raconte juste ce que l'on attendait, nous lecteurs, pour avancer dans notre roman… La nature est décidément bien faite sous ces contrées du Yorkshire, tout au moins en ce qui concerne les narrations…


Les personnages également ont quasiment tous une santé très fragile qui les fait mourir comme des mouches précisément aux moments opportuns pour dynamiser l'histoire. Là encore, la mort arrive vraiment quand il faut, réglée mieux que du papier à musique : c'est le cas des parents Earnshaw, des parents Linton, c'est le cas aussi d'Edgar et d'Isabella Linton. Frances Earnshaw et Catherine Linton meurent énigmatiquement sitôt leur travail de progéniture accompli. Quant à Hindley et Heathcliff père et fils, eux encore font leur job et s'éteignent ensuite bien sagement dès que leur rôle est achevé. C'est formidable vous voyez et j'imagine que les deux ultimes survivants, enfin libéré du mal, vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants dans le Paradis sur terre que sera immanquablement devenue la vieille maison de Hurle-vent…


Bref, tout cela fait très téléphoné, un brin mélodramatique à moindre coût (certains disent " romantique ", cela fait mieux en société mais le résultat est le même selon moi, à savoir une histoire d'amour rendue impossible, une espèce d'injustice révoltante, puis une vengeance implacable doublée d'un éternel amour par delà la tombe et tutti-quanti, toute la définition d'un mélo, quoi, je maintiens).


En somme, le classique éternel s'est avéré décevant pour moi, tant d'un point de vue stylistique que structurel. Certes pour un premier roman et une oeuvre de jeunesse, c'était très prometteur et je déplore amèrement la fin prématurée d'Emily Brontë car je suppose qu'elle aurait pu nous offrir par la suite de véritables pépites du roman mondial mais, en l'état, je trouve qu'elle est loin d'égaler Jane Austen (un peu avant) ou Charles Dickens (un peu après) par exemples, pour ne parler que du roman anglais.


Bien entendu, les grands admirateurs de cette oeuvre (et qui sont nombreux) auront un tout autre avis et c'est tant mieux car l'on s'ennuierait décidément beaucoup si nous avions tous les mêmes avis sur les mêmes choses. Je me dis juste que statistiquement, certaines personnes qui ne connaissent pas encore ce livre pourront éventuellement éprouver un peu ce que j'ai éprouvé à la lecture, c'est-à-dire, pas un mauvais moment, mais pas non plus une franche extase littéraire.

nastasia-b
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le 25 août 2017

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