"Les Joueurs de Titan" est un roman un peu curieux. Il y a deux façons de l'appréhender : soit vous considérez que son intrigue à tiroirs et à rebondissements constitue une histoire orignale et étrange, soit vous jugerez que c'est un gros bazar parano pas très clair et cohérent. A titre personnel, je me rangerai plutôt du côté des seconds.
Au départ, K. Dick développe une idée qu'il reprendra dans d'autres romans par la suite, en mieux maîtrisé (notamment dans l'excellent "Le Dieu Venu du Centaure") : le jeu. Ici, après une guerre ayant décimé une bonne partie de l'humanité, les humains trompent l'ennui par le jeu. Mis en place par les Vugs, une race extraterrestre venue de Titan avec laquelle les humains vivent une cohabitation plus ou moins forcée, dans le but de favoriser les rapprochements et la natalité, il permet à des propriétaires terriens de mettre en jeu leurs titres de propriété. Au début du roman, Pete Garden, joueur dépressif et suicidaire, vient de perdre son titre de Berkeley, qui lui tient à coeur, au profit de Lucky Luckman, un agent immobilier à la chance insolente. On a un peu de mal à imaginer exactement où l'intrigue veut aller mais on se laisse prendre à ce jeu... aux règles un peu floues, sorte de croisement entre Monopoly et Destins et on pense que l'intrigue va porter sur ce jeu.
Puis l'histoire se transforme en une sorte de Cluedo SF étrange et intrigant. Luckman est retrouvé mort, Garden pense être responsable de sa mort mais ne se souvient pas de ce qu'il a fait ces dernières heures. Un tandem de flic, l'un humain, l'autre vug, enquête... et découvre que 5 autres membres du groupe de joueurs ont vu leur mémoire effacée. Encore plus étrange, des pensées et des souvenirs qui n'étaient pas présents apparaissent dans l'esprit des joueurs. On imagine alors partir sur une intrigue policière dans un décor de science fiction... et le roman fait à nouveau un virage vers tout autre chose.
Pete Garden se met à délirer et à voir des vugs partout, pensant que ceux-ci ont pris la place des humains. Puis il est enlevé par un couple de voisins... qui lui apprennent qu'ils sont membre d'une mystérieuse organisation clandestine qui combattent les Vugs. Et c'est à ce moment là que le roman m'a perdu.
Certes, on y retrouve un contexte parano propre à l'auteur, mais aussi au climat McCarthyste de l'époque. Mais il y a de telles zones d'ombres dans l'intrigue qu'on finit par ne plus rien y comprendre. Déjà, on ne sait même pas comment les Vugs ont atterris sur Terre. L'auteur nous explique que les USA et le Chine communiste était en guerre mais jamais il ne dit quand les Titaniens ont débarqué sur Terre, ni ce qu'ils sont venus faire, ni quand ils ont décidé de cohabiter avec les humains. A partir de là, difficile pour le reste du roman et tout ce qui touche aux Vugs de ne pas être incohérent.
Il en va de même pour cette société secrète de psis, dont on ne saura jamais d'où ils tiennent leurs pouvoirs, ni comment ils sont au courant du complot titanien, et on a du mal à comprendre pourquoi ils enrolent Pete Garden, qui n'a rien de spécial. Tout comme on a du mal à comprendre les motivations des vugs, et ce final psyché nawak.
Il reste malgré tout quelques bonnes idées comme ce climat de suspicion paranoïaque et la façon dont les humains s'y prennent pour vaincre des extraterrestres télépathes au jeu. Mais globalement, "Les Joueurs de Titan" est un roman bien trop flou et bordélique.