Si.rè(g)ne dans ton coeur le Mal, leurs péchés tu dois expier

Les lanceurs de feu est un roman incroyable, qui mériterait toute sa place dans une sélection de nos prix littéraires à la française. On est pourtant loin de ma zone de confort en littérature, mais j’ai adoré découvrir cette histoire.

Ça se déroule à Belfast à l’été 2014. L’autrice met en scène deux hommes, qui de prime abord n’ont rien à voir. Ensuite, il y a cette saison des Grands Feux, une tradition à peu près encadrée à Belfast-Est. Mais une vidéo circule sur les réseaux, exhortant les jeunes à démarrer des feux à travers la ville, dans les institutions culturelles, les lieux de passage, les commerces. Un soulèvement de la jeunesse qui se prépare, comme une forme de désobéissance civile, comme une volonté de redonner vie aux Troubles avec vingt ans de retard. La ville s’embrase, les sirènes des pompiers hurlent dans les rues, les médias relayant en continu les départs de feu et les pseudos-interventions de politiciens qui font monter la tension.
Sammy est constamment rappelé par les sirènes hurlantes à sa propre violence et à son passé quand il comprend que son fils est inspiré par le Mal. Les péchés du père resurgissent-ils chez ce garçon ?
Tandis que de l’autre côté de la ville un autre genre de sirène a séduit un homme et a bouleversé son monde. Angoissé par la perspective que le futur chant d’une potentielle sirène vienne à détruire le monde, ce solitaire perd les pédales, et jusqu’à la dernière page on s’accroche à cette question : ira-t-il jusqu’au bout de son projet ?

Roman qui mêle contexte social, histoire de Belfast en fond (sonore) et intervention du surnaturel, les thématiques de ce qu’on donne en héritage, de la paternité, de la transmission de la violence et du questionnement entre le bien et le mal construisent ce texte et nous conduisent également à nous interroger.

C’est bien écrit, bien traduit, j’ai été subjuguée par la pertinence de certaines phrases, par l’atmosphère de cette ville en constante lutte et tension.
Les deux personnages sont touchants, dans leur solitude, leur mal-être, leur passé qui a forgé leur personnalité, la rage et la violence qui les habitent de deux manières différentes.

« Parce que vous êtes en rade sur le même bateau que moi, dit Sammy.
J’ai vu ça la première fois où j’ai posé les yeux sur vous. Vous êtes
juste aussi pété de trouille que moi. Juste aussi démoli. »

C’était plus que bien. C’est à découvrir.