L'écriture est simple et sans effet de style. En tant que lecteur occasionnel de l'auteur je m'y suis laissé prendre comme d'habitude. On est ici dans le drame social et on suit à chaque chapitre l'un des quatre protagonistes :


Ils n'ouvrent pas l'ouvrage mais ils en sont la pierre angulaire. Deux copains de collège parisien qui ont des situations familiales qui pèsent sur leurs vies. Etrange d'ailleurs de les entendre exprimer la nostagie des jours heureux alors qu'ils n'ont que douze ou treize ans. Delphine de Vigan parvient avec une facilité apparente à restituer leurs voix intérieures sans que cela ne sonne faux ou artificiel.
Ils s'épaulent. L'un à des parents séparés et l'autre des parents qui devraient l'être. Chacun d'eux le vit très mal.
Le leader du duo adolescent vit une semaine chez sa mère puis une semaine chez son père. Le père étant défaillant car en pleine dépression. S'oubliant et se retirant de toute intéraction sociale. Dans le cadre de la garde partagée, la mère, on le comprend, tente consciemment ou pas d'utiliser l'enfant à la fois comme bouc émissaire et exutoire. Ce fils pré ado, cherche ainsi à exister à leurs yeux et aux siens. Il se met sciemment en danger et graduellement tente des expériences jusqu'à la surenchère.


Une amitié d'infortune le lie à l'autre garçon, son meilleur ami, qu'il entraîne dans son sillage. Ce dernier est lui une victime collatérale du conflit larvé qui oppose sa mère suspicieuse et son père cachotier.


Cette mère, qui est la troisième narratrice, est une femme au foyer très banale en apparence. Instinctive, elle flaire les mensonges de son époux et de son fils qui gravitent autour d'elle. Elle sait ne pas aller bien et consulte un thérapeute pour cela dès le début de l'ouvrage. Certainement pas dupe, comme elle leur fait comprendre au besoin, elle est néanmoins adepte du compromis si cela peut maintenir la cellule familiale. C'est je trouve le personnage le plus intéressant des quatre. Son envolée (pages 144 à 147) inattendue sur le comportement déplacé de la gent masculine est saisissant. Surtout quelques mois à peine après l'affaire "me too". Le sujet et son traitement ici sont justifiés. Par contre vu la date de parution, je ne suis pas certain que cela soit un pur hasard. Par ailleurs, je suis un peu indécis sur le fait que ce sujet grave intervienne par le biais d'une femme visiblement perturbée (on insiste sur le fait qu'elle parle toute seule dans les rues, en anglais aussi...).


On en arrive à l'autre femme qui est la narratrice principale : la prof de collège des deux ados. Elle est intéressante mais un poil trop caricaturale dans son rôle de lanceuse d'alerte bienveillante. On est pas si loin de la série l'Instit. Par contre tout cela est rattrapé par ses "échecs" qui pimentent l'intrigue et nous réjouissent comme lecteur. J'ai aimé je l'avoue être contredit par une trajectoire qu'on imaginait sirupeuse et attendue.


Le roman est court. Mais sa force est justement que l'on s'attache l'air de rien avec grande facilité à ces quatre points de vue. Deux femmes et deux enfants qui se répondent, qui réussissent à s'équilibrer, et qui se complétent en alternant leurs voix. On prend ces vies en cours de route et on les quitte trop rapidement à mon goût tant on aimerait les suivre au delà de la dernière page.


ps : une auteure passionnante à écouter parler de son oeuvre, et très sympa en dédicace.

SebastienBrassart
8

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Créée

le 24 mars 2018

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