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Commencer une série de romans policiers par le tome deux, sans avoir jamais rien lu de l’auteur auparavant, voilà qui pourrait sembler assez peu judicieux. Que voulez-vous, en période de confinement, alors que les librairies sont fermées et que l’on boycotte raisonnablement les vendeurs en ligne, on aurait tort de faire la fine bouche. Et puis j’avoue qu’en la matière je suis un récidiviste, après tout, lorsqu’on découvre un personnage romanesque on commence rarement par le jour de sa naissance, on prend le train en marche et, si l’auteur a bien fait son boulot, on assemble progressivement les petites briques de sa vie. Dans la mesure où chaque roman est une enquête à part entière, lire une série de manière non linéaire peut aussi avoir ses charmes, mais si vous souhaitez respecter la chronologie, vous devriez commencer par Meurtre sur la Madison, puisqu’il s’agit du premier tome mettant en scène le détective et guide de pêche Sean Stranahan.


On n’a guère de peine à imaginer que la profession de détective privé au coeur du Montana sauvage, l’un des états les moins peuplés des Etats-Unis, laisse le champ libre à de nombreuses autres activités professionnelles complémentaires. Après son arrivée dans la région, Sean a donc décidé de mêler l’utile à l’agréable en devenant guide de pêche professionnel. Les amateurs de pêche à la mouche sont en effet très nombreux à vouloir fréquenter les espaces préservés de cette région des Rocheuses, sublime et sauvage. Les hivers y sont extrêmement rigoureux, mais une fois l’été arrivé, et jusqu’à l’automne, des citadins en mal de nature et de truites arc en ciel, colonisent le Montana et ses rivières de carte postale. Rien à voir cependant avec les hordes de touristes qui envahissent les plages de Floride ou de Californie, pour se faire rôtir au soleil de midi et engloutir des litres de cocktails une fois rentrés dans leurs hôtels bon marché. Le Montana ce serait plutôt camping nature, feu de camp et sirotage de bière au clair de lune…. et pour les plus fortunés, un chalet au bord de l’eau, un whisky single malt vingt ans d’âge et un guide de pêche payé rubis sur l’ongle. En revanche, pour une vie tranquille à observer les étoiles et à compter les grizzlis, il faudra semble-t-il choisir un coin encore plus calme car les meurtres semblent monnaie courante dans les parages. Ramené à la population locale, plutôt clairsemée d’ailleurs, le taux de criminalité aurait sans doute de quoi faire pâlir un flic du Bronx. A croire que dans le Montana il n’y a pas moyen de pêcher tranquille sans être témoin d’un homicide.
Ceci dit, on aurait tort de fustiger un auteur, sans doute conscient que cette région sauvage et bucolique ne peut être le théâtre d’une délinquance similaire à celle des quartiers socialement sinistrés des grandes métropoles américaines, qui se fend d’un scénario plutôt original et bien troussé.


Le shérif Martha Ettinger et ses adjoints découvrent dans la montagne un cadavre déterré par un ours ; à proximité d’un massif appelé le Sphinx, une zone très fréquentée par les randonneurs, les chasseurs et les pêcheurs qui aiment traquer la truite. Sean est engagé comme pisteur dans l’équipe chargée de récupérer des indices sur les lieux du crime. En quête de la balle qui aurait tué la victime, il découvre un second cadavre à quelques centaines de mètres. Cette zone serait-elle le cimetière personnel d’un tueur en série ? Comme si l’affaire n’était pas suffisamment explosive, Sean est engagé par le très sélect club des menteurs et monteurs de mouches de la Madison, afin de retrouver deux mouches d’une valeur historique et patrimoniale inestimables, volées quelques jours plus tôt dans leur luxueux chalet.


Si le début du roman peut paraître quelque peu banal, l’intrigue imaginée par Keith McCafferty est en réalité plutôt futée, d’autant plus que l’auteur prend un malin plaisir à brouiller les pistes. Pas tant sur l’identité du tueur que sur la finalité de ces meurtres en série…. qui en réalité n’en sont pas. Mais ce qui porte ce récit c’est surtout son ambiance, à la fois paisible et sauvage (oui, même au milieu de deux meurtres), ainsi que ses personnages plutôt atypiques. Le fait que le shérif Ettinger soit une femme dans une région plutôt rustique peuplée de cow boys, de pêcheurs et de chasseurs, n’est d’ailleurs pas la moindre des qualités du roman. Rien de particulièrement féministe dans ce choix, juste une situation à contre-emploi qui rend le personnage d’autant plus attachant et complexe. On sent bien que l’auteur prend ici son temps pour tisser les relations qui nouent les personnages, notamment Sean et Martha, que l’on sent à la fois proches et distants, et dont les rapports n’ont vraiment rien de simple. Certains passages sont vraiment très beaux et si la pêche à la mouche ne vous rebute pas trop, c’est un roman que je conseillerais volontiers à tous ceux en manque d’espace et de nature, en particulier durant cette délicate période de confinement. 
EmmanuelLorenzi
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le 25 nov. 2020

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