D'actualité à l'époque - le sida qui débarque - les deux décennies qui sont passées sur le bouquin l'ont pas mal amoché. Pédés, cinéma (en filigrane), amours triangulaires (polygonaux même). Un peu de sentiments, beaucoup de haine, beaucoup de drogue beaucoup de larmes, beaucoup de pathos, beaucoup de beaucoup en fait. Collard s'enivre de l'excès, qu'il semble maîtriser parfaitement.

Sans nier la capacité de l'auteur à construire une narration atypique, on déplore les clichés sous lesquels croulent les personnages. Très nombreux d'ailleurs, qui font qu'on s'y perd un peu. C'est fougueux et cru, à l'excès (toujours), si bien que cela donne l'impression que ces artifices stylistiques camouflent un manque de fond. On s'enlise dans un cercle vicieux,dans les deux sens du terme, duquel les personnages ne semblent jamais s'échapper. C'est un pas en avant, deux pas en arrière, jusqu'à la fin.

L'aspect biographique est gênant lui aussi. Collard, comme son personnage, meurt du sida. On dirait une tragédie grecque à la Oedipe avec tout le côté je-te-l'avais-dit, la menace est grande, la mort est proche, là tout près, oulala. Collard parle beaucoup de la maladie, couplée à ses aventures désastreuses, de la violence, de la mort latente. Ca commence à faire lourd.

On pourrait voir sa maladie comme un mal qui l'annihile, le rend exempt de toute humanité. On pourrait voir ses relations comme un nouveau monde, un nouvel ordre, au fil de son évolution personnelle, de celle de sa maladie et de celle de la société. Mais non. Parce que la littérature de Collard est facile, on peine à s'émouvoir de ce mélodrame.

L'adaptation sur grand écran, menée par l'auteur lui-même, me laisse perplexe. La bande-annonce m'a surprise, tant je m'attendais à une autre esthétique. Alors faut voir; le film a reçu quelques prix, a marqué lors de sa sortie et fait date depuis. Mais bon.. j'ai toujours eu un peu de mal avec Bohringer..


En outre, j'ai noté quelques phrases, mélange de philosophie de comptoir et de lyrisme, mais ce sont mes préférées.

"Dans les vapeurs de l'alcool et le martèlement de la danse, par un effet poétique, j'associais le mot "fauve" à mes nuits d'abjections."

""Corps et âme" : les mots sont malheureux; l'âme et le corps ne font qu'un."

"De là, quand je laisse derrière moi le squelette d'une nuit fauve, l'ossature du miracle, je reviens le dos barré de lignes rouges..."

"Nous nous séparons et la chute continue."

"J'ai attribué une couleur à chaque jour; à cause des impressions chaque semaine renouvelées mais toujours identiques que m'ont laissées les journées de mon enfance; le lundi est vert clair, le mardi jaune, le mercredi vert foncé, le jeudi rouge, le vendredi gris clair , le samedi gris foncé et le dimanche blanc."
C______
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le 18 sept. 2013

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C______

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