Attention SPOILERS.

Le style de l’auteur (du moins sa traduction) n’est pas exceptionnel. C’est bien écrit, y a pas à dire, mais il me manque quelque chose, de l’émotion. C’est joli, mais c’est froid, c'est distant. C’est le genre d’écriture qui ne nous happe pas complètement dans le récit, qui crée un fossé entre le lecteur et le roman.

Dû à ce style d’écriture un peu froid et au manque de profondeur déplorable des personnages, ceux-ci sont peu attachants. Martha est touchante mais quelque peu inutile. Tom est sympathique mais pas vraiment intéressant. Ellen aurait été à développer plus. Alfred est un petit con dont on ne comprend pas les agissements. William est un espèce de monstre arrogant et pleurnichard dont on ne comprend pas non plus les agissements. Waleran est un monstre mais dont les agissements sont liés à la défense de son intérêt, ce qui en fait un personnage censé, enfin, merci. Philippe est tellement parfait que s’en est grotesque. Jack est décidément le seul personnage qui ne soit pas caricatural. Aliena aussi est intéressante.

Donc on a un petit pavé de 1050 pages, et l’auteur arrive à nous expédier des moments importants en quelques lignes. Sérieusement ? Le roman traîne parfois en longueur, avec des évènements qui se ressemblent, le même shema naratif qui devient lassant (méchants embêtent gentils. Gentils sont dans la merde et tout semble perdu. Soudain, solution miracle et gentils gagnent. À répéter trente fois) et l’auteur n’est pas foutu d’offrir une mort correcte à Agnès, un minimum de chagrin à Tom (alors oui il est hyper malheureux mais il se tape Ellen dans la seconde, suivez la logique). Ellen tombe amoureuse de Tom après une conversation de cinq minutes. Je suis désolée mais chez moi ce genre de romance baclée ça ne passe pas. Vraiment pas. La demande en mariage alors qu’ils viennent de se rencontrer et que la pauvre femme de Tom est à peine morte ne passe pas non plus. Non mais c’est ridicule. Comment est-on censés s’attacher à ces personnages dans ces conditions ?

J’adore retrouver dans des romans des éléments réels, quand la grande histoire se mêle à la petite. Je n’y connais pas grand-chose voire absolument rien au XIIe siècle, mais c’est justement l’occasion de découvrir cette époque, les complots qui se mettent en place pour savoir qui succèdera à Henry, son unique fils étant mort dans un nauffrage.

Oublions un instant que le shema narratif est toujours le même, et que l’auteur aurait sans doute pu nous épargner quelques péripéties inutiles et ennuyeuses. L’histoire est prenante. Tout tourne autour de la construction de la cathédrale de Kingsbridge, qui d’après ce que j’ai compris va être construite dans un style d’architecture ghotique, ce qui est nouveau à l’époque. Autour de cette construction, se déchirent les méchants et les gentils. D’habitude j’utilise des guillemets, mais là ils ne sont pas utiles tant les personnages sont manichéens. Il y a vraiment les méchants et les gentils. Prenons William par exemple. William aime la souffrance. William est impuissant quand sa partenaire n’est pas malheureuse. William aime piller, violer, voler et incendier les villes. William est un gros cliché grotesque de méchant. Désolée, je suis un peu dure avec l’auteur sans doute, mais par pitié donnez lui un tout petit peu d’humanité, donnez lui des raisons, donnez lui une personnalité. Anyway. Malgré tous ces défauts, l’histoire est prenante. On sent un grand travail de recherche historique et religieuse, notamment en ce qui concerne la construction des cathédrales justement. De longues descriptions nous permettent de nous plonger dans l’ambiance, même si on peut parfois avoir du mal à visualiser à cause d’un vocabulaire architectural assez indigeste. Dieu est omniprésent dans ce roman, mais je pense qu’on était prévenus étant donné le fait que c’est un siècle très religieux, et que le thème est la construction de cathédrales. Voilà, fallait s’y attendre.

Pour le travail de recherche historique, pour l’ambiance de l’époque qui est bien retranscrite, pour l’histoire qui est tout de même captivante, les Piliers de la Terre est un roman à lire je pense, malgré son manichéisme barbant, le peu voire l’absence de profondeur psychologique des personnages, des longueurs et une gestion chronologique un peu déroutante parfois.

Malgré tous ses défauts, j’en garde un bon ressenti. Oui je sais on dirait pas comme ça.

Sashenkaa
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le 8 sept. 2022

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