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« J’avais maintenant dix ans, un magma d’enfance muette. Dix ans, c’était un cap solennel, on écrivait son âge pour la première fois avec un chiffre double. L’enfance se termine officiellement quand on ajoute le premier zéro aux années. Elle se termine, mais il ne se passe rien, on est dans le même corps de mioche emprunté des étés précédents, troublé à l’intérieur et calme à l’extérieur. […] J’étais dans un corps pris dans un cocon et seule ma tête tentait de le forcer. »

Erri de Luca passe l’été de ses 10 ans sur l’île d’Ischia, au large de Naples. C’est un gamin studieux, taciturne, qui reste à l’écart des enfants de son âge. Sur la plage, il pratique assidûment les mots croisés « son atelier de mécanique de la langue ». Il lit beaucoup : Don Quichotte et les auteurs américains (« ils n’y allaient pas par quatre chemins, pas d’introspection, mais des récits d’hommes et d’espaces »). Il prend aussi le temps d’observer les gens et les choses, il nage, il déambule dans les ruelles, il accompagne un pêcheur en mer la nuit.

va également rencontrer une fillette. Une fillette comme lui, sérieuse, qui ne se mêle pas à ses contemporains. Avec elle il va engager de longues conversations et découvrir le frémissement du désir. Mais leur amitié suscite des jalousies et les gamins de l’île vont lui mettre une raclée. Il ne se défendra pas, voyant dans ce tabassage en règle l’occasion de faire éclore ce corps nouveau auquel il aspire désormais : « A dix ans, je croyais à la vérité des coups. L’irréparable me semblait utile. »

Un texte bref et lumineux, solaire. Un récit d’initiations, à la fois sentimentales et morales. Et toujours la délicieuse petite musique de De Luca qui vous rappelle que le livre que vous tenez entre les mains est une œuvre littéraire d’une rare qualité. Chaque phrase est une merveille d’équilibre. Les courts paragraphes qui composent l’ensemble sont autant de pièces d’orfèvrerie parfaitement ciselées.

De toute beauté.
jerome60
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le 2 mai 2013

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jerome60

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