Les Proies
7.6
Les Proies

livre de Thomas Cullinan (1966)

Un pensionnat de jeunes filles en Virginie durant la guerre de sécession qui recueille un soldat blessé : petit à petit, pendant qu'il se remet de sa blessure immobilisante, le yankee s'immisce dans la vie des jeunes filles attirées par son beau parlé (D’où le titre original « The Beguiled », les séduites), sa présence va profondément chambouler le pensionnat, qui se trouve être rattaché au camp adverse : les confédérés. On suivra le déchaînement des passions de ce microcosme féminin au fil des interactions, des mensonges et des coups bas, sur fond de guerre de sécession.


Un roman profond, ambigü, qui explore les psychologies de ses personnages, extrêmement bien écris et campés par Thomas Cullinan qui leurs donne la parole chacune leur tour le temps d’un chapitre. De la maîtresse de maison à la petite dernière des pensionnaires en passant par la femme de chambre noire, chacune livre son point de vue changeant au fur et à mesure que le récit progresse dans une ritournelle à la manière d’un barillet de pistolet. Pour autant chacun de ces témoignages n’est en aucun cas gage de vérité, entre omission et volonté de se donner le beau rôle, chaque chapitre possède sa part de subjectivité.
La tâche du lecteur, rassembler les morceaux du puzzle au fil du récit, est d’autant plus complexe mais aussi plus stimulante. C’est à nous de démêler le vrai du faux, le feint du sincère.
Cullinan fait décrire à ses personnages, avec la virtuosité d’un funambule, leurs motivations et leurs pensées. Des personnages qu’on arrive jamais à vraiment à cerner : on doute sans cesse, on hésite régulièrement entre des sociopathes dénuées d’empathie ou seulement des jeunes filles en fleur malheureuses, jalouses et cassantes sur les bords… Il en va de même pour le caporal John McBurnay, séducteur roublard, menteur, venimeux, ou bien pauvre gars beau parleur ?


Bien rythmé sans trop de longueurs, perfusé d'une tension palpable et à plusieurs niveaux (émotionnelle, morale, sexuelle mais aussi patriotique) et particulièrement bien écrit/traduit, le roman se dévore. Mais il faudra connaître un minimum les tenants et aboutissants de la guerre de sécession pour pleinement apprécier cette tension patriotique qui oppose McBurnay au reste du pensionnat.
La langue de Cullinan est superbe, suggestive, incarnée et souvent pince-sans-rire. Mais c’est surtout pour la permanente ambigüité dans laquelle se retrouve plongé le lecteur que Les Proies est assez incroyable et vaut la peine d’être lu.


Livres lus + Avis objectif d'un expert littéraire

Vladimir-Thoret
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Livres lus + Avis objectif d'un expert littéraire

Créée

le 8 sept. 2020

Critique lue 135 fois

Vladimir Thoret

Écrit par

Critique lue 135 fois

D'autres avis sur Les Proies

Les Proies
GuixLaLibraire
10

Critique de Les Proies par GuixLaLibraire

Que vous dire, à part que je m’en suis délectée. C’est un roman à plusieurs facettes, difficiles à cerner, que l’on referme en ayant pris beaucoup de plaisir à le lire mais avec un goût malsain dans...

le 25 avr. 2013

6 j'aime

Les Proies
Vladimir-Thoret
9

Les séduites

Un pensionnat de jeunes filles en Virginie durant la guerre de sécession qui recueille un soldat blessé : petit à petit, pendant qu'il se remet de sa blessure immobilisante, le yankee s'immisce dans...

le 8 sept. 2020

Les Proies
GirlNumberTwo
7

Critique de Les Proies par GirlNumberTwo

En lisant le résumé je m'étais attendue à quelque chose de plus machiavélique et sulfureux. Finalement c'était plutôt sage, j'imagine que c'est une question d'époques. Certaines situations/réactions...

le 8 juin 2018

Du même critique

Uzaki-chan Wants to Hang Out!
Vladimir-Thoret
2

Je rage sur un anime cancer.

Malgré tous mes efforts pour lutter contre une tendance naturelle qu'on a tous à vouloir débrancher notre cerveau, je finis toujours par me regarder un anime cancer de temps en temps, pourquoi j'aime...

le 20 août 2020

5 j'aime

13

Jérusalem
Vladimir-Thoret
5

Alan Moore en roue libre

Puisque chacun y va de sa durée de lecture, il m’aura fallut 40 jours environ pour venir à bout de ce monstre (j’étais en vacance). J’étais assez excité à l’idée de lire un pavé aussi énorme, 1900...

le 27 août 2021

4 j'aime

4