Les Relations amoureuses entre les femmes par _laurine

Comment écrire l'histoire des femmes qui aiment les femmes sur cinq siècles, quand on dispose d'aussi peu de sources ? Cette somme, à peu près unique entre les histoires de l'homosexualité masculine et celles des mouvements lesbiens à partir des années 70, assume un travail de recherches obstiné et minutieux.
Des écueils pourtant : jusqu'à l'après-Seconde Guerre mondiale, cette histoire ne concerne que les femmes des classes supérieures. Des lesbiennes des milieux populaires, on ne saura rien, ce qui est peut-être une affirmation : se disait-on lesbienne quand on ne faisait pas partie des salons du XVIIIe siècle, des milieux culturels et artistiques parisiens du XIXe siècle ou du Temple de l'Amitié de Natalie Clifford Barney début XXe ?
L'histoire que fait Marie-Jo Bonnet traite en fait surtout de l'histoire culturelle du lesbianisme et de ses représentations par les lesbiennes elles-mêmes ou par les hommes fascinés par le motif de la tribade.
On ne saura rien ou si peu, donc, des conditions matérielles d'existence de ces femmes (et d'ailleurs à peine plus de celles des femmes des plus haute sphères que de celles des femmes des classes populaires), ce qui est un peu surprenant puisque l'autrice est l'une des fondatrices du Mouvement de Libération des femmes en 1970.
Mais si la répression pénale est assez peu traitée (on passe rapidement sur le Code Napoléon, on n'aborde même pas la période de la Seconde Guerre mondiale), la partie consacrée à la médicalisation et à la psychiatrisation des relations lesbiennes est particulièrement complète et fait une parenthèse très bienvenue.
Marie-Jo Bonnet fait l'histoire de la façon dont l'identité culturelle lesbienne s'est construite, ce qui est particulièrement précieux dans un contexte de manque de connaissances des communautés de femmes bisexuelles et lesbiennes sur leur propre passé, faute notamment d'archives et de transmission de la mémoire.