En 2007 sort au cinéma « A la croisée des mondes : la boussole d’or », premier film d’une trilogie ambitieuse, avec notamment Nicole Kidman et Daniel Craig au casting, et inspiré du premier roman du cycle littéraire écrit par Philip Pullman, Les Royaumes du Nord.

Ce film, et les opus qui devaient suivre, étaient annoncés comme les nouveaux « Harry Potter » ou encore « Seigneur des Anneaux », autres œuvres inspirées de romans fantastiques, et au triomphe indéniable. Pourtant, « La Boussole d’Or » n’a pas connu le succès attendu, n’a ni trouvé son public, ni reçu de bonnes critiques de la part des cinéphiles. Les opus qui devaient suivre ont alors été abandonnés, le film oublié, et A la Croisée des Mondes n’est resté restreint qu’au monde littéraire… Là où la série a cependant été acclamée.


          Les Royaumes du Nord constitue donc le premier tome d’une trilogie écrite par l’écrivain anglais Philip Pullman, maintes fois reconnu et récompensé pour ses romans jeunesse. Ce premier livre, paru en 1995 en Angleterre puis en 1998 en France, a notamment reçu le Prix de la Fiction pour Enfants décerné par The Guardian et a été cité par le quotidien britannique The Observer comme l’un des cent meilleurs romans jamais écrit. L’ouvrage est aujourd’hui une figure importante du mouvement « steampunk », ce genre littéraire se fondant sur l’esthétisme d’un monde parallèle mais partant d’une base historique, ici l’époque victorienne, en pleine explosion industrielle et technologique.
L’auteur nous invite à suivre les aventures de la jeune Lyra Belacqua et de son « deamon » Pantalaimon, petite créature magique à l’apparence de furet. Élevée au sein du Jordan College à Oxford, elle apprend accidentellement l’existence du Magisterium, une branche radicale de l’Église. Cette-dernière enlève un nombre d’enfants important dans toute l’Angleterre, afin de mener des expériences sur la « Poussière », une particule invisible uniquement attirée par les enfants. Celle-ci pourrait constituer la conséquence ultime du « Pêché Originel »…
Lyra s’engage alors candidement à la poursuite des kidnappeurs d’enfants, sans savoir que cette quête la mènera à explorer des terres en apparence inaccessibles, comme le Grand Nord, et découvrir de sombres et immémoriaux secrets…
Les Royaumes de Nord est donc avant tout un roman merveilleux : on découvre petit à petit un monde ressemblant fortement à la Terre, et qui n’est pourtant pas le nôtre, habité par la magie et la féerie. Si le livre peut être catégorisé par son appartenance au genre « steampunk », Philip Pullman n’hésite pas non plus à mêler à son univers des éléments du folklore européen et de la « fantasy classique ». Par conséquent, notre jeune héroïne côtoie sorcières, ours polaires anthropomorphes, ou encore ces « deamon », petites créatures au physique imaginaire, qui naissent au même instant que l’humain auquel ils seront liés à vie. Le lecteur a donc entre les mains un livre qui invite au voyage et au dépaysement.
De plus, l’ouvrage dit comme un roman jeunesse, permet aux jeunes lecteurs de vivre les aventures de Lyra, ce genre d’héroïne adolescente diablement attachante, partager ses valeurs, et de suivre sans difficulté l’intrigue grâce au talent d’écriture de l’auteur. Cependant, Philip Pullman livre aussi ici son œuvre la plus mature. Ainsi, les lecteurs les plus raisonnés pourront dans le même temps s’intéresser au conflit entre dogmes et science, à la critique de l’extrémisme religieux, ou encore réfléchir à la question de la maltraitance des enfants…
Mais ce qui caractérise au mieux le récit, c’est l’implacable onirisme qui s’en dégage. Nous sommes conviés en parcourant le livre à explorer un monde sans limites, hybride entre fantastique et réel, mettent en scène à la fois des paysages fabuleux, et des lieux plus communs. On voyage ainsi du vieux Londres victorien, en pleine révolution industrielle, jusqu’en Sibérie, territoire inhospitalier et peuplé d’êtres merveilleux. Philip Pullman livre un monde riche et foisonnant, une atmosphère unique, qui fait à la fois voyager, et à la fois rêver. J’ai été fasciné par les descriptions des paysages de l’Arctique : les lieux sont dépeints comme rudes, glaciaux, mais dans le même temps, tellement magnifiques, avec une immense aurore boréale qui ne quitte jamais le ciel, et des kilomètres de neige immaculée à perte de vue. Aussi, le fait que les hommes côtoient des créatures imaginaires – par exemple ces farouches ours polaires guerriers, dotés du sens de la parole – a réveillé en moi cette « âme d’enfant », qui nous donne envie de vivre dans un monde parallèle, comme celui des Royaumes du Nord, là où tout semble possible, comme chevaucher sur le dos de ces fameux ours polaires…
Une des autres forces principales de ce roman repose sur son héroïne. Lyra Belacqua, une orpheline élevée à Oxford, passe le clair de son temps au début du livre à vagabonder dans les rues étroites de la ville, grimper sur les toits, se jouer des professeurs, et se bagarrer avec les enfants des gitans, souvent de passage en ville. Elle détient tous les attraits d’une grande héroïne de roman : têtue, espiègle, possédant une forme de naïveté propre aux jeunes adolescents, rêveuse, et surtout curieuse. Une curiosité qui va la mener à découvrir quelque chose qu’elle n’aurait jamais du connaître, et qui l’amènera à vivre une aventure inimaginable. Lyra a un fort caractère, et manque peut-être de maturité, mais c’est ce qui est plaisant à lire : même dans les moments les plus graves, elle ne baisse pas les bras, et elle saura évoluer, « grandir » petit à petit (le livre prend alors une certaine dimension propre aux roman d’apprentissage). Pourtant, on partage ses doutes, ses peurs, et parfois même, elle prendra les mauvaises décisions. Cependant, grâce à son ingéniosité, et sa candeur, la jeune fille saura toujours s’en sortir. De ce fait, Lyra est un personnage auquel on s’attache dès la première page où elle apparaît.
Toutefois, nombreux autres protagonistes sont aussi notoires. Comment ne pas parler de Pan’, « deamon » de notre héroïne, qui revêt le plus souvent l’apparence d’un petit furet, et qui constitue un véritable pilier pour la jolie demoiselle. Avenant, apaisant, malin, il est toujours là pour aider son amie (à laquelle, rappelons-le, il est lié pour la vie), et la sortir des situations les plus inextricables. La relation qui lie les deux personnages est forte tout au long du récit, et offre de nombreux moments reposants et drôles. D’autres protagonistes se relaieront pour aider l’héroïne dans sa mission, tels que l’ours Iorek, la sorcière Serafina ou l’ami d’enfance de Lyra, Roger. Eux aussi recevront un développement important, et une profondeur de caractère bien venue. Enfin, Mme Coulter, une femme aussi charmante qu’intelligente et calculatrice, ou encore Lord Asriel, l’oncle de Lyra, sont des personnages davantage nuancés, entourés de mystère, et qui se révéleront au fil du roman des facettes plutôt surprenantes d’eux-même…
L’écriture de Philip Pullman est aussi une grande réussite. On pourrait la qualifier de « simple, fluide, et efficace ». Il sait toujours trouver le mot juste pour décrire chaque moment, faire ressentir chaque émotion éprouvée par tel ou tel personnage. De plus l’intrigue implique de très nombreux éléments scientifiques, qui pourraient de prime abord, déstabiliser de nombreux lecteurs. Mais l’auteur, preuve par exemple de son talent, prend le temps, dans un langage très simple, d’expliquer chaque terme un peu pointu, pour permettre la meilleure compréhension possible de son récit.
La question se pose alors : existe-t-il tout de même un défaut au roman ? C’est possible. Certains pourront trouver le début un peu poussif, et manquant de rythme. En effet, le romancier se perd peut-être un peu trop dans les descriptions de son univers et de ses coutumes. Certes, cette introduction est vitale, mais l’action arrive probablement trop tardivement.
Ce premier tome de la trilogie A la Croisée des Mondes se révèle donc être un roman très intense, présentant un univers riche et onirique ainsi que des personnages intelligents et captivants, qui auront marqué mon adolescence. L’histoire tient en haleine tout au long du roman, et se permet même de se terminer en apothéose. Une impeccable mise en bouche, avant de dévorer la suite : La Tour des Anges…
Florent-L
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le 20 mai 2016

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Florent-L

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