Le travail fait par Luc Ferry mérite d'être reconnu dans le sens où il a pris le temps de rechercher l'ensemble des courants représentant l'écologisme de nos jours et d'expliquer leur origine, leur moto et les moyens qu'ils souhaitent mettre en oeuvre pour atteindre leur objectif.

Il nous explique l'origine des courants verts à travers les divers pays européens, les différences entre révolutionnaires (deep) et réformistes (shallow), et son approche par la philosophie permet de comprendre ce qui a amené ces divers mouvements à prendre jour et à coexister. Il prend la peine également de démanteler les peurs liés au nucléaire et cela vaut le coup de s'y arrêter.


On ne peut toutefois considérer cet ouvrage comme autre chose qu'un essai philosophique. La vocation de Luc Ferry dans ce livre est d'amener le lecteur à s'éclairer sur l'inefficacité voire la dangerosité de propos entendus dans les premiers courants considérés comme les plus extrêmes, pas de démontrer par A + B quel est le meilleur moyen pour éviter le réchauffement climatique. En effet, on atteint progressivement les trois derniers chapitres représentant selon lui le meilleur compris pour l'humanité, à savoir le découplage, l'économie circulaire et l'agriculture cellulaire. Il s'avère que ces derniers courants sont également les plus prometteurs en terme d'innovation technologique et de croissance économique et sont vus comme la solution à une écologie victimaire et alarmiste.


Ce que Luc Ferry ne dit pas, c'est que les courants présentés n'ont pas la même fin et pourraient tout à fait s'entrecroiser dans le temps. Les courants les plus alarmistes tiennent à ralentir les conséquences déjà visibles du réchauffement climatique, et peu importe que leur doctrine soit inenvisageable pour Ferry dans un état démocratique, les faits sont là: Madagascar est le premier pays - officiellement - à subir les conséquences du réchauffement climatique à cause de la modification des modèles climatiques dans le sud de l'Océan Indien au cours des dernières décennie, selon le rapport 2022 du GIEC. Des populations sont actuellement en migration vers les pays de zone tempérée pour quitter leurs terres infertiles.

Le découplage, la fusion nucléaire qui seront selon les sources de Ferry, prêts en 2050, arriveront bien après avoir atteint les +2°C de réchauffement planétaire décidés après la COP21. Dès lors, les premiers courants effondristes, écoféministes et décoloniaux n'auront déjà plus lieu d'être puisqu'ils n'existent par définition que pour modifier la trajectoire prise actuellement par les pays du monde et éviter les +2°C.


Luc Ferry n'évoque d'ailleurs jamais la raison première des courants alarmistes, à savoir les morts de la pollution, de la sécheresse et des diverses catastrophes naturelles. Eviter la mort d'individus est la motivation première des courants alarmistes. Au delà de la possibilité de les mettre en oeuvre, j'aurais aimé que l'auteur assume cette vision, à savoir que choisir les courants les plus modernistes, c'est accepter de ne pas considérer la mort actuelle de milliers d'individus du fait du réchauffement climatique comme une raison suffisante pour modifier nos politiques. Ce n'est pas un choix que je juge moralement mauvais, mais le lecteur manquant ce contexte risque de faire un choix mal informé.


Enfin, l'auteur n'a passé que très peu de temps sur la critique du plan du Shift Project, n'amenant qu'un seul argument contre le point sur la limitation de la croissance de la population mondiale. L'ensemble des autres points est pourtant très important sur le plan économique, politique et sur leur faisabilité technique. Dois-je y comprendre que Luc Ferry est d'accord avec la majorité du plan et n'a rien trouvé à y redire ?


La faisabilité technique des technologies proposées est par ailleurs tout à fait arbitraire pour l'auteur. Ce n'est pas le sujet de son livre. C'est dommage, car il suffit de démontrer l'infaisabilité technique de ses propositions pour que son essai tombe à l'eau...



Noudj
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le 17 sept. 2023

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