Publié en 1895, Jehan Rictus, pseudonyme de Gabriel Randon, propose dans ce texte, son plus célèbre, quelque chose d’assez unique : des poèmes écrits avec le parler populaire, évoquant la misère, la vie des mendiants, des sans-domiciles. Les pauvres qui vivent et meurent dans les rues de la capitale.
Cette poésie s’entend plus qu’elle ne se lit. Elle demande une vraie lecture, pas quelque chose de superficiel. Pourtant il est assez remarquable de voir à quel point le rythme de la lecture est aisée à prendre, Jehan Rictus rendant ses vers très accessibles, parvenant à réaliser ce qui est si difficile en poésie : guider par le rythme des mots celui de la lecture pour que le lecteur comprenne réellement la sonorité de ses poèmes.
J’apprécie particulièrement ces poètes qui permettent une lecture si aisée. Je note aussi qu’il y a un jeu avec la longueur écrite, visuelle donc et la brièveté sonore des mêmes poèmes. Ce jeu, simple et délicat est très agréable.


Le propos est particulièrement touchant et profond. La misère humaine est dévoilée dans toute son horreur. Les riches ne voient pas la pauvreté au coin de la rue, la religion ne s’en occupe pas, les artistes en parlent sans jamais leur donner de sous. La misère, la solitude, la faim, le froid : voilà le quotidien de ces hommes.


L’ouvrage suit le rythme des saisons. L’hiver prend le plus de place, par l’horrible condition qui s’y trouve. Le printemps pour autant marque la solitude amoureuse et sexuelle d’hommes qui n’ont plus rien, à peine des rêves.
J’ai été particulièrement touché par l’ensemble s’intitulant Le Revenant et évoquant le retour mystique du Christ sous la forme d’un mendiant rencontrant le narrateur. Face à Dieu fait homme, fait misère, que peut répondre le plus nécessiteux ? Entre rejet et compassion, cette séquence est particulièrement touchante.


Jehan Rictus est sans aucun doute un auteur oublié, lui qui fut si célèbre au début du XXe siècle et dont la langue, unique, mérite largement d’être rappelée, permettant au peuple de la rue de ne pas tout perdre : leur mémoire survie.
Par sa force, son humanité, son rythme et sa réelle profondeur les Soliloques du Pauvre est un recueil à ne pas laisser tomber dans l’oubli.

mavhoc
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le 13 janv. 2021

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