Il me semble que ce livre tient bien du chef d'oeuvre ! Quand à parler d'un "classique" de la science fiction, ce livre est surement trop singulier pour en être un de ses illustres représentants.
A mille lieux de l'excellent monde métallique et froid d'Asimov, peuplé de robots au cerveau positronique, de ses complots machiavéliques et de sa construction rigoureuse et solide du scénario, Smith nous offre ici une vision complètement saturée de couleurs et éclatée au travers des millénaires en une myriade de courtes nouvelles formant un grand tout. Ce n'est pas bleu comme le métal, mais comme celui de la profondeur de l'espace, et ce n'est pas le rouge du laser, mais le rouge du feu qui brûle les sous-humains comme C-mell, la femme-Chat. Ici les vaisseaux ne se propulsent pas à l'aide de moteur atomique mais par de grandes voiles tendues captant l’énergie lumineuse venue du cœur des étoiles, là on ne se sert pas des ordinateurs et des IA pour piloter les voyages interstellaires, mais c'est grâce à l'instinct et l’acuité des chats que l'on détecte les dangers. Et l'espace n'est pas un vague champ de bataille pour une guerre galactique, mais c'est une nouvelle géographie où l'homme se perd, et où les explorateurs comme les sondeurs ressentent le premier effet :
Et qu'est-ce que le Premier Effet ?
— Personne ne le sait. Personne ne le sait, dit le chœur
— Personne ne le saura jamais. Trop nombreuses sont les variables.
— Comment connaissons-nous le Premier Effet ?
— Par la Grande Douleur de l'Espace, dit le chœur.
— Et par quel autre signe ?
— Par la nostalgie, ô la nostalgie de la mort !"
Chef d’œuvre de la littérature de l'imaginaire, allant au delà et ailleurs que la simple projection du futur, c'est une fable sur la mort de l'homme, la douleurs de l'existence, l'espoir d'un futur différent. Faussement naïve, incroyablement étonnante, cette fresque magique et futuriste est aussi cruelle que colorée, un peu à la manière d'un conte d’Andersen.