Nul n'est prophète en son pays

S'il y a un livre dont la seule mention peut vous faire passer pour un illuminé irrécupérable, c'est bien celui-là *.
Avant d'en faire une brève critique, il est utile de préciser deux ou trois choses afin de dissiper les nombreux malentendus qui entourent non seulement l'oeuvre d'Allan Kardec mais également tout le mouvement qu'il a entraîné à sa suite. Mouvement que les anglo-saxons ont eu l'élégance d'appeler spiritualisme tandis qu'en France, le mot spiritualisme étant déjà utilisé pour nommer une doctrine philosophique - celle qui s'oppose au matérialisme, c'est le mot spiritisme qui l'a emporté, avec tous les ricanements que cela implique, on se tait dans le fond, merci.

Parmi les fervents admirateurs de ce que l'on appelle donc la doctrine spirite, il est peut-être utile de rappeler que l'on compte de "sombres crétins" comme Victor Hugo, Conan Doyle (auteur d'une Histoire du Spiritisme remarquable) Camille Flammarion et d'innombrables personnalités dont l'intelligence et le bon sens sont relativement difficiles à remettre en cause.

Par ailleurs il peut être intéressant de préciser que la doctrine spirite, totalement méprisée dans le pays qui l'a vue naître ( cf le titre de cet article ) compte des centaines de millions d'adhérents discrets à travers le monde. On en compte environ 50 millions rien qu'au Brésil par exemple, où elle est simplement considérée comme une extension du christianisme.

Autant dire que pour l'honnête homme et son esprit ouvert, le mot spiritisme évoque bien autre chose qu'un misérable 42 minutes passant sur D8 en deuxième partie de soirée.

Ce livre tout à fait unique en son genre si l'on fait abstraction de sa suite Le livre des médiums
se présente comme une longue conversation, une succession de questions-réponses abordant la plupart des problématiques de l'existence.
Le principe est très simple : les spirites interrogent, les esprits répondent...

Il ne s'agit pas ici de juger de la véracité ou de l'authenticité de ce qui est écrit dans ce livre, mais plutôt d'attirer l'attention sur l'extraordinaire source de réflexion qu'il représente.
Croire ou ne pas croire n'a au final qu'assez peu d'importance.

Ce qui est cependant frappant avec le Livre des Esprits, c'est l'incroyable cohérence de son contenu. Pour l'avoir lu, relu et le consulter régulièrement depuis plusieurs années, je n'ai pas décelé la moindre faille logique dans les centaines de réponses aux questions posées.
Ce simple tour de force tient en soi du pur prodige. Libre à chacun de se faire une idée sur la provenance de ces réponses... La géniale folie d'un homme, ou une porte ouverte sur un monde invisible ?

Par son contenu encore, le Livre des Esprits est très proche, par exemple, du Livre des morts tibétains, quoique bien plus facile et amusant à lire.

Ici point de contes pour enfants ou de paraboles à tiroirs.
À l'opposé des livres "sacrés" (Torah, Évangiles, Coran) le Livre des Esprits se lit comme un ouvrage philosophique, une sorte de prolongement du traité de l'âme d'Aristote, mais en beaucoup, beaucoup plus détaillé et plus lisible.
Présenté comme un livre rédigé par des scientifiques à la recherche d'indices sur l'au-delà, il propose au lecteur un chemin de réflexion d'une rigueur parfaitement rationnelle.

Les athées ou agnostiques n'y trouveront aucun signe de prosélytisme, car il ne s'agit pas d'enrôler qui que ce soit dans une chapelle de soucoupistes. Les plus curieux auront sans doute la bonne foi d'admettre que le système spirite est d'une solidité à toute épreuve.
Les croyants y trouveront un regard aussi riche qu'original et, disons-le, d'une grande beauté sur les questions que l'on dit souvent essentielles mais que personne n'aborde jamais par peur du ridicule.
Qui sommes-nous ?
Pourquoi sommes-nous là ?
Qu'est-ce qu'on mange comme dessert ?

• Oui bon, y'a aussi Mein Kampf qui n'est pas facile à lire dans le métro.