Une épopée dans les mythes fondateurs de l'Amérique

Lorsque je parle de Lonesome Dove, la première réaction est souvent la surprise qu’il existe des westerns à lire. La seconde est généralement une moue peu enthousiaste à l’idée de lire un western. Avec Lonesome Dove, Larry McMurtry nous entraîne à la suite de deux anciens Texas Rangers qui décident de convoyer un immense troupeau de bétail du sud du Texas jusqu’au nord du Montana. Traversant de nombreuses épreuves en quête de la terre promise, tous ne verront pas la fin du voyage.


L’image que je me faisais du western venait de Lucky Luke, Le Bon, la Brute et le Truand, ou des films spectaculaires de Tarantino : le cow-boy à la gâchette facile, le Far West mythifié. L’image de quelqu’un qui n’y connaissait pas grand-chose finalement. Lonesome Dove n’est rien de tout cela, et on s’en rend compte dès les premières pages. L’histoire commence dans la banalité du quotidien, dans une petite ville où il ne se passe pas grand-chose. Pour la plupart, Les cow-boys ne sont pas bavards, le narrateur met alors doucement en place le décor de sa grande épopée, un luxe permis par les 1200 pages du roman (publié en deux tomes uniquement pour des raisons pratiques, car l’histoire est bien un tout).


Cette manière d’entrer dans le récit m’a rappelé la série Better Call Saul, spin-off de Breaking Bad. Là où cette dernière multiplie les scènes d’action, BCS prend un chemin plus lent, plus subtil, centré sur un personnage a priori secondaire. Quelle drôle d'idée de faire un spin-off sur un simple avocat après une série sur le grand Heisenberg. De la même manière, Lonesome Dove ne raconte pas les exploits glorieux des deux ex-Texas Rangers, mais plutôt ce moment de leur vie où ils s'improvisent éleveurs. Ce rythme plus calme rend l’histoire plus crédible, la rendant plus proche du fait historique que de la fiction.


Le vrai point fort selon moi du roman, comme de Better Call Saul, réside dans la merveilleuse description de ses personnages et de leurs relations. Beaucoup sont loin d’être très futés, leurs conversations se limitent souvent à quelques mots, à une époque où se donner la peine de répondre semble futile. Pourtant McMurtry dresse des portraits psychologiques d’une finesse rare. Par petites touches, à travers anecdotes et silences, on découvre leur passé, leurs émotions, leurs mécanismes de pensée. L'identité de tous se précise tout au long des deux tomes. Les liens qui unissent les personnages sont la plupart du temps implicites. J'en veux pour preuve la relation entre nos deux héros, Augustus McCrae et Woodrow Call : à les entendre, ils ne se supportent pas, mais on sent entre eux une loyauté profonde et indéfectible. Les liens entre les personnages sont nombreux, parfois complexes, et se tissent naturellement au fil de l’épopée.


Lonesome dove, c'est aussi une ode à la liberté, valeur fondatrice des États-Unis. Les anciens rangers nous le rappellent souvent : "On est dans un pays libre". Un récit où les hommes ont soif de découverte et où leur première revendication est de vivre librement où bon leur semble. La description de la nature omniprésente des grandes pleines renforce ce sentiment de liberté, où la nature est aussi terrifiante qu'attrayante. Le genre de livre qui vous donnerait presque envie de découvrir le monde. Fouler le sol vierge d'une région où les hommes sont aussi rares qu'un cours d'eau dans le Wyoming. Mais les nombreux dangers d'une telle époque nous rappellent vite à l'ordre, où si ce ne sont pas les hommes qui veulent votre peau, c’est la nature elle-même qui vous met en péril.


Ainsi nous suivons, à travers les yeux de chacun des personnages, avec leurs peurs, leurs doutes, leur états d'âme mais aussi leurs espoirs, la grande épopée de tous ceux qui peuplent les grandes plaines de l'Amérique de la fin du XIXème siècle. Anciens rangers, chasseurs de bisons, indiens, cow-boys, paysans, putains, shérifs, hors-la-loi, nous décrivent la conquête de l'ouest avec une grande humanité.


Alors la prochaine fois que je ferai face à de la surprise ou de la retenue au sujet d'un western, je répondrais qu'ils n'y connaissent sûrement rien, tout comme moi avant, mais que s'ils souhaitent découvrirent ce qu'était réellement le farwest des pionniers américains, alors ils devraient lire Lonesome Dove. Et d'ici là, j'irai peut-être me perdre dans les rues de Laredo.

Khidi
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le 8 août 2025

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