Love
Love

livre (1987)

Why should neurotic, selfish, immature people suddenly become angels?

Love: Christian Romance, Marriage, Friendship est un livre écrit par Diogenes Allen et publié en 1987. Né en 1932 dans le Kentucky, Allen s'est éteint il y a neuf ans après avoir été pasteur presbytérien et professeur au séminaire de Princeton. Respecté dans l'église comme dans le monde académique, il obtint ses diplômes de théologie et de philosophie de Princeton, St John's College, Oxford et Yale.

Allen explore le thème éponyme de Love à travers le prisme de la philosophie protestante afin d'apporter un éclairage qui réconcilie les deux plus grands commandements de la Bible, à savoir d'aimer Dieu et d'aimer son prochain, avec la notion de l'amour romantique entre un homme et une femme. Allen souhaite expliciter les liens entre amour agape et amour passionnel puisque ce dernier à souvent mauvaise presse chez les chrétiens face à la temporalité du sentiment amoureux et le cynisme de la société contemporaine qui sépare les besoins sexuels de l'engagement durable et fidèle en affirmant l'indispensabilité de l'un et l'impossibilité de l'autre.

Ainsi, à travers cinq chapitres, le théologien américain définit trois formes d'amour : l'amitié, l'amour romantique et l'amour chrétien en prenant soin d'offrir un équilibre entre réalisme et idéalisme pour aider les chrétiens à lutter contre la déception tout en offrant une conception idéale de l'amour.

L'auteur consacre le premier chapitre à l'amour parfait et l'illustre à travers de nombreux exemples. Il est, encore une fois ici, question d'équilibre : qu'il soit question d'amitié, d'amour ou d'autres interactions, la condition sine qua non pour aimer est d'apprendre à maîtriser notre désir inné d'être reconnu. J'ai trouvé ce chapitre particulièrement utile car il est venu compléter la définition que j'avais du commandement "aimer son prochain". Cela dépasse l'action de le bénir (c'est-à-dire œuvrer pour son bien). Aimer autrui, c'est reconnaître la valeur absolue et donc l'indépendance d'une personne. On ne regarde plus à ce qu'elle nous apporte ou pourrait nous apporter mais on l'aime simplement pour sa valeur intrinsèque. Ceci implique de lutter contre notre tendance naturelle à l'égocentrisme, à vouloir pourvoir à nos besoins avant tout et à tout prix.

L'exemple du chapitre qui m'a le plus marquée est tiré de la littérature anglaise ; il s'agit du poème de Samuel Taylor Coleridge intitulé "The Rime of the Ancient Mariner". C'est l'histoire d'un vieux marin qui un jour a une épiphanie lorsqu'il reconnait la simple existence des créatures de la mer, révélation qui le libère de son égocentrique. Elles sont juste là, à avoir été créées et à exister et c'est suffisant.

Reconnaître et respecter l'altérité ("otherness") d'un individu est un composant essentiel de l'amitié, forme d'amour auquel Allen dédicace le deuxième chapitre de Love. En plus d'être un lien choisi volontairement le plus souvent autour d'intérêts communs et d'accomplissements semblables, l'amitié est non-sexuelle. Elle se distingue donc et de l'amour du prochain et de l'amour romantique. De plus, le succès et la durabilité d'une amitié nécessite un équilibre premièrement entre transparence et discrétion et deuxièmement entre indépendance et implication.

L'objectif d'Allen est d'articuler une vue réaliste de l'amour romantique puisque la société moderne nous envoie des messages contradictoires à ce sujet : d'un côté, l'amour est considéré comme la clé de l'épanouissement personnel mais d'un autre côté, dans de multiples configurations, elle est cause de malheur. Allen est convaincu que l'alliance contractée par le mariage est le seul cadre viable pour que deux individus puissent s'aimer "bien, toujours et fidèlement" (Allen 67). Il nous convainc en dressant une antithèse entre deux formes d'amour tirés des écrits du philosophe S. Kierkegaard. Il stipule que nous somme tous nés esthètes, c'est-à-dire que notre Weltanschauung par défaut consiste à classer tout en deux catégories en fonction de la question "est-ce intéressant pour moi?". L'esthète mène une vie fondée sur des émotions qui le conduiront vers l'épanouissement personnel. Cependant, c'est lorsqu'on décide de devenir responsable de sa propre existence que l'on entre dans une démarche dite éthique. Soudain, on n'est plus ballotté dans tous les sens par nos émotions et l'engagement de toute une vie qu'implique le mariage ne nous fait plus peur. Mais même la conception éthique de l'amour romantique a ses limites et c'est face à elles que la religion apporte quelque chose d'encore plus précieux et durable.

Les idées dans ce chapitre sont tellement belles et le contraste entre les conceptions esthétique et éthique tellement bien articulé, ça vaut vraiment le coup de s'y attarder et de les garder comme référence quelque soit notre statut : en couple, marié ou célibataire et dans l'attente d'une relation. Les idées proposées ici font vraiment écho au paradoxe du message biblique : ce qui semble être un renoncement est en fait source de liberté et d'allégresse (voir toute la partie traitant de l'obligation comme quelque chose de positif).

J'ai beaucoup aimé ce livre et je crois que je suis tombée dessus pile au moment où j'en avais besoin. C'était une lecture obligatoire pour un cours de fac lorsque j'avais 20 ans et je ne me souviens plus ce que j'en avais pensé mais les idées me semblent très pertinentes avec le vécu d'une trentenaire célibataire. J'ai lu plusieurs livres sur le mariage au cours des cinq dernières années et ce que j'apprécie particulièrement ici est le fait que théologie et philosophie soient conjuguées. Allen offre une lecture conservatrice du thème mais très humaine aussi (à noter toutefois que son interprétation est moins conservatrice au sujet du divorce dans l'avant dernier chapitre, ce qui donne matière à réfléchir et discuter).

J'ai trouvé intéressantes les différentes nuances que le théologien apporte, comme par exemple la différence entre ce qu'Aristote appelle "amitié utilitaire", le concept en grec de koinonia au sein de l'église locale et l'Eglise universelle, ou encore la distinction entre "to get" et "to receive," surtout lorsqu'il s'agit du pardon (distinguo impossible en français puisqu'il a un verbe unique). Cette lecture est un réel encouragement pour moi qui ai toujours eu une conception "sérieuse" de l'amour romantique. Enfin, ça m'encourage à (re)placer la barre haut dans mes relations, notamment par rapport à qui je veux devenir et avec qui je choisis de partager ma vie. C'est un bel élan dans cette nouvelle année...

(Review title adapted from de Rougemont quoted in Allen).

JenMeg
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le 17 mars 2023

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