LOVELESS... DÉVORE.
Quelle lecture, franchement quelle lecture ! Que dire donc de Loveless, ce livre concluant la saga Chroniques d'Inspiterre de Joseph Kochmann ?
D'abord, avant toute chose, replaçons les choses dans son contexte : ce livre étant le dernier d'une série de 5 tomes mettant en scène la policière teckel Chloé Barkouaf avec son acolyte chihuahua légendaire Polygon Sobarf, dans des histoires plus loufoques les unes que les autres. Il est donc évidemment fortement recommandé d'aller lire les quatres autres tomes avant de se lancer dans cette aventure, bien qu'ayant pu personnellement lire le livre sans avoir de parfaits souvenirs des tomes précédents, les ayant lu à leur sortie même, je pense que l'expérience est encore plus grandiose en ayant toute la trame en tête.
Dans Loveless donc, le danger guette : 4, le terrible gorille au visage caché par un masque à gaz noir, a libéré une entité effrayante menaçant le monde tout entier : Loveless, un monstre millénaire pouvant aspirer les émotions des gens qu'il attaque. Afin d'éviter à 4 de restaurer les pleines capacités de Loveless et de détruire le monde, Chloé et Polygon vont se lancer dans une aventure afin de retrouver les 3 reliques du Collier Ancestral de la Bêtise : le Grand Oeil Fermé, la Haute Oreille Bouchée et la Large Bouche Cousue.
Je rentrerai plus dans les détails de ma critique dans la partie spoil, puisque l'essentiel de mes points positifs sont liés à des éléments clés de l'histoire. Je ne vous recommande pas de la lire avant d'avoir terminé le livre, croyez-moi, l'aventure en vaut trop la peine !
Un premier bon point qui m'a vraiment étonné dans cette histoire est la collaboration avec Loïs Tonnet dans ce livre, une première dans la saga, et qui est franchement une réussite. Les deux auteurs réussissent à parfaitement mélanger leurs styles sans que le lecteur ne se pose trop de questions.
La morale du livre, et de la saga de manière plus générale, est aussi profondément positive, humaniste, et donne de l'espoir dans un contexte mondial nous mettant proie au doute, c'est aussi en ça que je remercie les deux auteurs pour cette oeuvre.
Mais ce n'est que la surface de ma critique, l'essentiel sera dans la partie ci-dessous.
ATTENTION : CETTE PARTIE SPOILE L'INTÉGRALITÉ DE LA FIN DU LIVRE. Lisez le livre avant de la lire !
Cette fin... Chloé, après avoir fait de nombreux sacrifices, traversé de nombreuses aventures avec Polygon, voit son amie mourir du fait de 4, qui avait définitivement tout prévu afin de pouvoir réaliser son plan à terme, et perd la raison de ce fait. 4, cependant surpris par la vision de lui-même qu'il peut enfin voir à la suite du retrait de son masque, se fait tuer par Chloé au seul moment de vulnérabilité qu'il montre en sa présence. Chloé récupérant le pouvoir de Loveless, et après avoir été influencé par ce dernier, elle ordonne à Loveless d'activer sa forme finale, et de détruire toutes les émotions, et, de manière plus générale, tout l'univers d'Inspiterre. Sa punition est toutefois cruelle : condamnée à vivre seule dans un monde vide, sans espoir, et sans émotion, l'histoire se finit avec une ultime expression par la voie de son deuil de Polygon.
Finir une histoire en transformant la protagoniste en une antagoniste est un choix d'écriture qui peut paraître surprenant au premier abord, et franchement risqué, et ce particulièrement lorsqu'on adopte comme dans Loveless une morale positive et humaniste. Le lecteur pourrait penser que cela rend la morale hypocrite du fait de cette différence : comment donner poids à une morale qui n'est même pas appliquée dans son univers ? Et pourtant, c'est là la force principale de Loveless : cette transition, paraissant soudaine à la première lecture, est en fait le résultat d'un foreshadowing parfaitement dosé. De nombreux éléments disposés dès le début du livre voire même dans les précédents livres de la saga, notamment avec la prophétie des Romélodiens, jouant de la perspective de narration, et des biais du lecteurs, m'ont trompé, me faisant croire jusqu'aux dernières pages que les deux héroïnes triompheraient. Et ce sont ces éléments qui font toute la différence : la morale n'est plus en contradiction avec la narration du livre, mais elle se complète. C'est parce qu'à la fin, Chloé ne croyait plus en ces émotions que la narration a dérivé de la morale. Et cette prévision fait de cette morale un avertissement : même en ce monde, où l'empathie fait de plus en plus défaut, il ne faut jamais abandonner ces émotions, au risque de donner une mauvaise tournure au futur...
Les différents chapitres m'ont aussi amené à avoir un bel ascenseur émotionnel, du fait de la morale se répétant au fur et à mesure. On pourrait croire que c'est fini, que Chloé ne peut plus rien faire après la perte de la deuxième, puis de la troisième relique. Mais pourtant, à chaque fois que les deux amies décident d'avoir espoir, de croire en ces émotions, elles ouvrent une nouvelle voie, aussi infime soit elle, vers la victoire finale... Victoire qui ne viendra hélas jamais du fait de l'abandon de Chloé.
En bref, Loveless, c'est l'histoire contée par deux auteurs.ices qui maitrisent parfaitement les différents outils de narration qu'iels ont utilisé. C'est une histoire qui vous amènera dans un ascenseur émotionnel, qui vous fera espérer et désespérer, sourire et pleurer, avoir des certitudes et douter, vous questionner, bref, vous faire ressentir des émotions de plus en plus exacerbées au fil de votre lecture. Loveless conte à la fois la blessure et la guérison, le poison et l'antidote : elle vous donne les clés pour comprendre un des gros dangers menaçant l'humanité, mais aussi les moyens de vous en prévenir.
Merci à Joseph Kochmann et Loïs Tonnet pour cette histoire, qui, j'en suis sûr, restera gravé dans mon cerveau pour les années à venir.