L'histoire se découle dans l'état du Mississippi en pleine période de prohibition (1920-1930). L'alcool se vend sous le manteau et les noirs sont encore traités comme des sous-hommes. Le roman commence avec Lena, une jeune femme enceinte, qui quitte son Alabama natal pour retrouver le père de son enfant. De ville en ville, elle parvient finalement à Jefferson où elle le retrouve. Ce dernier est cependant mêlé à une affaire de meurtre et Lena rencontre Byron qui décide de la prendre sous son aile. C'est une histoire, à première vu, impénétrable mais qui peu à peu se dévoile.


L'intrigue est racontée du point de vue de plusieurs personnages. On passe d'une époque à une autre de façon souvent abrupte. Petit à petit, tout s'organise et l'histoire prend sens. On avance à tâtons tout au long du récit sans toujours savoir où nous mène l'auteur. La lumière se fait au fil du récit de manière brillante. Et ce n'est qu'une fois le livre refermé que sa cohérence et sa force nous apparaissent.


On plonge dans cette région du Sud où l'été est écrasant et le racisme omniprésent. Les personnages sont presque tous malhonnêtes ou viciés. Du pasteur au contrebandier, personne n'est épargné et tous présentent des failles. Lena seule semble rester droite. Convaincue de ce qu'elle doit faire, elle ne semble jamais douter ni dévier de la route qu'elle s'est tracée. L'auteur pointe les violences et les langueurs du Sud. On comprend comment la guerre de Sécession et la défaite ont laissé des traces dans les rapports entre les hommes.



"On dit que, seul, le menteur entraîné peut tromper. Mais il arrive bien souvent que le menteur entraîné et chronique ne se ment qu'à lui-même. L'homme dont les mensonges sont le plus aisément acceptés est celui qui, toute sa vie, a joui de la réputation de franchise."



C'est aussi un roman qui questionne sur la notion d'identité, dans une région où noirs et blancs se sont mélangés depuis plusieurs générations mais où le racisme est encore très présent. L'intrigue tourne en grande partie autour des origines d'un personnage, Christmas. Soupçonné d'avoir des origines noirs qu'il tente de camoufler, il erre afin d'échapper à son passé et aux hommes. Il ne connaît pas lui-même son histoire et tente de chercher dans sa nature sa part de sang noir. Il vit cela comme une forme de péché originel. Il se construit une identité changeante et instable. C'est un thème que l'on retrouve dans le fabuleux roman de Philip Roth, La tache. Cette question du métissage traverse aussi tout le roman de Robert Penne Warren, L’esclave libre, dont je vous parlerai prochainement.



"Quand il se mit au lit, ce soir-là, il était décidé à s'enfuir. Il
se sentait comme un aigle, dur, suffisant, puissant, sans remords et
plein de vigueur. Mais cela ne dura pas, bien qu'il ignorât alors que,
pour lui comme pour l'aigle, sa propre chair, aussi bien que tout
l'espace, ne serait jamais qu'une cage."



William Faulkner a une plume incroyable. Il décrit aussi bien les paysages du Sud que les profondeurs de l’âme de ses personnages. Tous sont décrits avec précision au point qu'il est compliqué de dire qui est le personnage principale.


C'est un roman parfois déroutant et complexe mais qui traite du racisme et du poids du passé avec une grande force.

Anaïs_Alexandre
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le 13 nov. 2017

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