Comment te dire, maman ?
Muet. Tu sais ce que ça me rappelle quand tu me dis ça ? Son départ à elle.
Tu sais, je n'ai jamais su non plus ce qu'il a ressenti. Et peut-être que je ne saurais jamais. Il ne veut pas en parler et je le comprends.
Tu sais, je ne veux pas non plus qu'on en parle si je ne suis pas disposée à. Du moins, je ne veux pas qu'on parle tout le temps de son absence, mais des souvenirs, des moments joyeux. Le contraire, tu le sais est encore capable de me faire pleurer des heures. Deuil chronique qu'ils appellent.
Ils devraient en inventer un exprès pour moi.
Même dans mes mauvais rêves, comme cette nuit, je refuse qu'on en parle. Et puis, venant de quelle personne dans ce rêve, bref.
Comment te dire maman ?
Tu sais, je ne sais pas non plus ce qu'il ressent en général. Parce que ce n'est pas le genre de questions que l'on pose. Les ça va échangés de vive voix ou par messages se soldant tous par un oui. Mais qu'en est-il de la réalité ?
Les conversations, les mots, les ressentis et sentiments n'ont jamais vraiment exister, été exprimés. Alors aujourd'hui ? Tu sais, ça laisse des traces tout ça.
Et à lire et découvrir des choses sur le sujet, l'enfance, la vie jusque là, les choses de la vie sembleraient bien y être pour quelque chose dans l'hypersensibilité. Mais je ne t'en veux pas tu sais, tu as et tu fais de ton mieux.
Et je le sais, que toi aussi tu ne parlais pas. Il y a pas photo, on se ressemble, c'est ce qu'a dit la pharmacienne aujourd'hui. Mais il y a pas que sur le plan physique..
Tu sais, s'il a un ton un peu agressif c'est parce qu'il ne veut pas parler. Parce qu'il ne sait pas sûrement, et comment faire quand c'est une chose qui a jamais existé ?
Et il ne me dira rien de lui même non plus.
Comment te dire maman ?
Que ces lieux qui touchent à la maladie, à la perte, l'abandon, la mort ne me font pas du bien. Comment te dire que ce n'est pas faute de vouloir, mais c'est au dessus de mes forces.
Comment te dire que c'est bien trop anxiogène pour moi. Trop au point d'en être malade.
Rien qu'à cette pensée dimanche, les maux de tête, l'envie de vomir, l'arythmie, les jambes qui tremblent dans la rue, l'irritation s'y mêlant aussi. Sa musique pour tenter d'apaiser et d'arriver au bout.
Mais je ne pouvais pas te dire tout ça. Même si tu sais maintenant. Parce qu'il a fallu t'expliquer des choses alors tu comprends.
"De quoi tu as peur ?"
Si tu savais maman.. De milles choses. Ce n'était pas comme ça avant, avant son départ.
La mort, la perte, l'abandon, l'éloignement, le deuil. Et le après. Personne ne nous apprends à vivre sans quelqu'un, à gérer et vivre un deuil. Même si le sien, je n'ai pas voulu m'y préparer.
Comment te dire maman ?
Que j'ai peur à chaque instant qu'il s'en aille, d'un moment à l'autre, parce qu'il est pas tiré d'affaires. Et le lien n'est pas aussi fort qu'avec grand-père, certes, mais voilà. Et il faut travailler, s'occuper, toujours avec la peur d'un message, d'un appel.
Que j'ai peur la nuit et à chaque réveil d'un appel, d'une mauvaise nouvelle. Que ça concerne mon frère, mes grands-parents, mon père. Certes il ne faut pas y penser mais voilà, le traumatisme est là.
Que j'ai la sensation que ça ne s'arrête jamais ces temps-ci, qu'il se passe toujours quelque chose. Et tu sais, j'ai peur pour elle aussi, ce petit bébé casse cou de plus d'un an. Le lien et l'amour ne sera jamais le même mais je l'aime quand même tu sais. Et les animaux et moi, tu sais bien.
Comment te dire maman ?
Et pourquoi te dire ? Quand tu as suffisamment à porter sur tes épaules. Qu'importe si je resterai toujours ta petite fille et que tu seras toujours là. Qu'importe si on a eu des désaccords, des moments compliqués.
"Si tu as besoin de parler, je suis là"
Mais il y a tellement de choses à l'intérieur. Et je n'ai pas envie de rajouter de l'inquiétude et de la peine.
Et comment te dire de toute façon que je ne vais pas bien non plus.
Qu'il arrive encore de pleurer à sanglots comme aujourd'hui pendant une heure où plus, au point de vomir. De se retrouver assise à serrer fort son doudou en attendant que ça passe.
Il a une dizaine d'années ce doudou, mais c'est comme la prunelle de mes yeux. Et ce qu'il me reste d'elle.
Comment te dire, quand les mots manquent parfois. Quand tu es lasse de dire des choses et que c'est parfois mal compris, mal ressenti. Quand tu ne sais plus comment dire les choses.
Comment te parler du boulot, où c'est compliqué pour un tas de raisons. Et parce que tu le sais que je n'ai rien d'autre pour le moment.
Comment te dire, même si tu sais déjà, que de ne pouvoir adopter une ou un autre chien m'est douloureux à vivre chaque matin.
Comment te parler d'amour, quand c'est un sujet devenu compliqué et dont on ne parle plus maintenant. Et tu serai sûrement triste et inquiète, encore une fois.
Comment te dire que moi aussi j'aimerais avoir quelqu'un à mes côtés exclusivement et tous les jours, que moi aussi j'ai envie qu'on me dise et qu'on me montre qu'on m'aime. Que j'en ai besoin. Que moi aussi je veux vivre certaines choses. Mais tu me diras que j'ai le temps, et que je suis jolie là où je te répondrais que non.
Comment te parler de la solitude, ce n'est pas seulement son absence. C'est toutes ces habitudes laissées derrière. L'entendre dormir à côté, ses ronflements, se réveiller ou se faire réveiller pour avoir du lait, c'est les caresses, son corps sur mes genoux. C'est les bisous, la fête en poussant la porte, la queue qui remue, c'est les sorties dehors et la liste est bien longue encore..
Te dire que parfois, j'aimerais y aller là-bas même si l'idée est abandonnée.
Comment te dire, que tu n'y es pour rien et que j'ai horreur que tu culpabilises de ça. Tu ne pouvais rien faire de plus, et ce n'était pas à toi de.
Comment te dire, que je t'aime. Parce que ce n'est pas des mots qui sont dits.
Comment te dire, que j'espère que tu es un peu fière de moi et de qui je suis. Même si l'on a pas toujours été d'accord, et que j'ai pu te décevoir ou faire de la peine.
Parce que moi.. bref.
Mais ça ira ne t'en fais pas. Parce que tu as besoin de moi aussi.
De nous.