Par hasard, je suis tombé sur du sumo à la TV (Kombat Sport). J'ai rapidement été fasciné par ce sport populaire japonais. Une société japonaise, qui de base, m'a toujours intéressé par ses nombreuses traditions et excentricités. Et que l'on retrouve forcément dans le sumo : Deux lutteurs de somo face à face, chassant les esprits et se purifiant par une poignée de sel avant le match. Puis le combat dans la pureté la plus totale, ne dépassant rarement plus de 20 secondes, dépourvus de tout équipement, de toute objet matériel. Pourtant, deux lutteurs qui se sont construit physiquement par le gavage pour espérer un jour être parmi les grands de ce sport, dans un des pays industrialisés les plus sveltes du Monde, et alors que l'obésité est devenu l'un des principaux problèmes de société en Occident. Cela a de quoi nous déconcerter. Quel est ce sport alors qui force à l'obésité (145 kg poids moyen, jusqu'à 240 kg), et dès lors comment peut-on vouloir devenir sumotori ?

Ce livre, premier ouvrage sur le monde du sumo, nous ouvre les portes de ce monde si particulier. C'est l'unique fois que l'Association Japonaise de Sumo a laissé un lutteur de sumo écrire sur les secrets de ce sport traditionnel. On en déduit une première leçon : Le monde du sumo est très fermé et protégé, régit par des codes spécifiques. Kirishima nous y plonge.

Tout d'abord, une chose peut étonner, et que j'ai retrouvé sur d'autres lectures sur le sumo : Adolescent, il ne semble pas enclin à devenir sumotori mais se lance dans le sumo avant tout pour répondre à la demande des parents, et avec un large désir d'honorer la famille. D'autant que Kirishima Kazuhiro est née en 1959. Le Japon est encore en pleine reconstruction économique. On ne vit pas à son aise - d'autant plus pour lui, fils d'une famille vivant en campagne - et il faut alors assurer la pérennité de sa famille (sa mère est malade et sera son leitmotiv) et la rendre fier en trouvant rapidement sa voie pour réussir. Le sumo est une voie qui peut devenir particulièrement lucrative tout en restant noble.

C'est sur une situation globale semblable à ci-dessus que débute l'autobiographie. Il nous raconte alors les débuts dans un monde d'abord totalement étranger, un "centre de formation" réunissant tous les sumotoris en devenir. Une porte qui lui a été ouverte après qu'il se soit distingué plus jeune par une technique au dessus de la moyenne. Néanmoins, un problème va se poser et durer : Kirishima ne pèse que 80kg et a du mal à grossir. Et une bonne technique ne peut pas compenser cela quand en face de vous se trouve des sumotoris de 120 kg et plus. Il va alors chercher, longtemps, les bonnes méthodes pour grossir, et se muscler, quitte à se forcer à manger avec les moyens du bord : Un apprenti (ils sont entre 600 et 800) n'a aucune aide économique, qu'un faible confort et doit réaliser certaines tâches "ingrates" (les laver, etc) pour les "champions". Des champions choyés, mais qui peuvent être destitués de leur titre dès que les défaites s'accumulent : On trouve en tout 66 champions (nombre fixe) qui se répartissent sur 6 catégories/niveaux (idem). Plus étrangement encore, plus l'apprenti est prometteur et plus les rangs plus élevés se donnent le droit de le faire souffrir (physiquement compris). Ce sont les règles. Cependant dans cette autobiographie c'est relativement lisse (dans la réalité aussi ?)

Mais il a également eu à tricher en courant, et en se musclant en salle de sport. Des choses interdites, l'utilisation du métal étant par exemple considéré comme non pur. C'est toute cette évolution qu'on voit dans ce livre, jusqu'au titre honorifique d'oziki (second titre le plus gradé) qu'il obtiendra en 1990. Puis, la chute de ses performances pousseront la fédération à le destituer de son titre et de sa passion : Un champion qui perd (trop) est vécu comme un déshonneur, une humiliation qui lui retire le droit de pratiquer le sport. Mais trop motivé et passionné, aimé des fans, il obtiendra exceptionnellement le droit de continuer le sumo dans des catégories moindres.

Evidemment, une bonne majorité du livre parle des techniques de sumo. Bien qu'on ne mémorise pas les noms japonais, les détails permettent de comprendre la complexité du sport. D'autant qu'un glossaire et que de nombreuses annotations très pratiques viennent compléter cela pour qu'on ne se perde jamais. Aussi utile pour la technique que pour comprendre, nous occidentaux, la valeur des mots de Kirishima, qui sont intimement liés à la culture japonaise (rapport hommes-femmes, etc). Surtout, on découvre un aspect spirituel absolument primordial dans ce sport, et qui est très largement abordé dans cet ouvrage. Le sumo se compose de 6 grands tournois (Nagoya-Basho) par an, sur 15 jours, un combat par jour pour chaque sumo (parallèle possible avec les GC au tennis) et des combats qui ne dépassent pas 20 secondes ! Les lutteurs sont livrés face à eux-même, la moindre défaillance psychologique, le moindre doute est fatal et vous coûte la victoire. Une victoire ou défaite se joue sur un détail qui se compte en millièmes de secondes. Ce côté psychologique et spirituel est véritablement un point très intéressant du livre. Au delà des "régimes alimentaires" qu'ils subissent (avec plaisir ou avec une forme de dégoût selon chacun, plutôt son cas ici), c'est aussi là qu'on comprend toute la dimension et immensité d'un sumotori, les efforts consentis pour arriver à leur niveau. Sans oublier la remise en question perpétuelle qui doit être faite, entre chaque combat. C'est la caractéristique de la réussite sur lequel il insiste le plus. Ils jouent leur carrière sur des combats d'environ 10 secondes.. Ne pas se remettre en question, c'est déjà avoir perdu le prochain combat. De tout évidence, ils pratiquent un sport sans commune mesure.

Leur célèbre devise dit : "Vaincre dans le sumo, c'est aussi se vaincre soi-même."
Et c'est de ça qu'il est question dans le livre.
Le sumo se joue autant mentalement, si ce n'est plus, que physiquement.
RomainGlbt
7
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le 15 janv. 2015

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Romain Glbt

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