Non non non, je n'ai pas abandonné mon étude de moeurs du dix-neuvième siècle à travers la Comédie Humaine. J'ai eu quelques autres occupations, et le troisième volume est plus conséquent que les tous petits premiers.

Je persiste donc dans mon exploration de l'univers balzacien avec ce nouvel ouvrage, placé en troisième dans ma liste même s'il est paru bien après les suivants. Je verrai pourquoi plus tard. Ce livre-ci est un roman, le premier que je lis dans la Comédie Humaine, qui explore toute une vie, quand jusqu'à présent, il s'agissait de nouvelles s'attachant à une facette de la vie privée.

Mémoires de deux jeunes mariées se pose encore la question de l'amour et du mariage au XIXème siècle.

En effet, La Maison du Chat qui pelote traite de la nécessité d'assortir son mariage en termes de hauteur d'âme, aujourd'hui on dirait niveau social, éducation, tout ça. On est dans l'après cérémonie.

Le bal de Sceaux explore les préliminaires du mariage par une fable de La Fontaine, tel est pris qui croyait prendre, il vaut mieux mettre de côté son orgueil et "take a leap of faith" comme ils disent dans les séries, faire confiance à son instinct.

Avec les Mémoires de deux jeunes mariées, on est tout autour du mariage, avant et après. Le livre prend le format épistolaire pour nous comparer la vie amoureuse et familiale de deux amies, que dis-je, deux soeurs de coeur.

Louise et Renée se sont rencontrées chez les Carmélites. Leurs longues conversations les ont passées de camarades à amies et en BFF. Trop passionnées pour embrasser la vie religieuse, elles retournent dans le monde. Renée la brune y fait un mariage d'intérêt avec un riche voisin, décidant de travailler ce mariage pour qu'il devienne une vraie union et que son mari réussisse sa vie.


Louise la blonde est plongée dans la mondanité qui la laisse parfois un peu perplexe, et particulièrement sur la fatuité des jeunes hommes qui pourraient la marier (car elle ne cherche qu'à se marier, comme toutes les femmes bien entendu). S'en ouvrant à sa mère, elle découvre que sa mère elle peut pas comprendre. Oui, comme dans La maison du Chat qui pelote.

L’homme qui nous parle est l’amant, l’homme qui ne nous parle plus est le mari. (Louise)

Le bon goût est autant dans la connaissance des choses qu’on doit taire que dans celle des choses qu’on peut dire. (mère de Louise)

Cette recommandation m’a fait comprendre les sensations sur lesquelles nous devons garder le silence avec tout le monde, même peut-être avec notre mère. (Louise)

Elle cherche le grand amour, qu'elle reconnaît en Felipe, personnage ayant eu de l'ambition mais raté sa carrière brillante de ministre espagnol. Je suis un peu simplette, je n'ai pas compris exactement ce qu'il se passait. Felipe, un homme simple, exigeant sur les choses importantes.

La vieille Urraca, la seule personne que je veuille conserver des gens de ma maison : elle seule sait bien préparer mon chocolat. (Felipe)

Felipe, c'est un peu Mr Rochester. Laid, mais passionné, les regards flamboyants, le caractère bien trempé, le tout séduisant pour les jeunes filles.


Renée est si triste d'avoir fait un mariage de raison : l'interdiction récente faite au divorce en 1816 par la loi Bonald, divorce qui venait de revenir pendant la Révolution, bloque les femmes dans leur situation, même invivable. Renée n'en est pas là mais a peur d'y arriver.

J'étais un être auparavant, et je suis maintenant une chose ! (Renée)

Renée se résignera, je vous rassure, d'autant plus facilement qu'elle aura des enfants, lui faisant réaliser l'accomplissement de la femme dans la maternité (mieux que l'amour, mieux que le sexe, mieux que la drogue apparemment aussi). Et son mari se lance dans la politique, c'est formidable, il a juste l'âge requis.

Il aura près de quarante ans, (...) il se trouvera précisément de l’âge requis pour être un homme politique. (Louise)

La pauvre Louise n'aime pas vraiment son Felipe, et le fait tellement souffrir par sa jalousie qu'il en meurt. Ok. mais il ne lui en veut pas, au contraire. Ok.


Du coup, quelques années plus tard, elle trouve un nouveau mari, dont elle est éperdument amoureuse et décide de s'isoler pour vivre leur idylle. Ah ben bonne idée. Et elle annonce que si il ne l'aime plus un jour, elle se tuera. Double bonne idée.

Du coup, un jour, quand elle croit qu'il la trompe, oh ben elle se rend poitrinaire (pneumonie ?), histoire de mourir en souffrant. Mais pour une mauvaise raison, car l'homme (Marie Gaston, ha ha) ne faisait qu'essayer d'aider sa belle-soeur veuve. Louise voit bien qu'elle s'est trompée, et jura, mais un peu tard, qu'on ne l'y prendrait plus.

Oui, la femme est un être faible qui doit, en se mariant, faire un entier sacrifice de sa volonté à l’homme, qui lui doit en retour le sacrifice de son égoïsme. Les révoltes et les pleurs que notre sexe a élevés et jetés dans ces derniers temps avec tant d’éclat sont des niaiseries qui nous méritent le nom d’enfants que tant de philosophes nous ont donné. (Louise)



La fin de Louise est digne, c'est moi ou il y a comme un certain mépris du peuple assez agréable à lire ?

Hier au soir Louise a eu pendant quelques moments le délire ; mais ce fut un délire vraiment élégant, qui prouve que les gens d’esprit ne deviennent pas fous comme les bourgeois ou comme les sots. (Renée)

C'est bien, aujourd'hui, on ne pourrait plus être aussi ouvertement condescendant, à l'époque au moins, ils pouvaient parler.

Oh, et puis cette amitié de filles, qui m'explique cette autre amitié de fille que j'étais censée avoir. Quand l'une ne donne pas de nouvelle pendant trois ans, mais qu'elles restent amies néanmoins. Est-ce vraiment possible ? Ah, l'amitié féminine.

Enfin, pour finir sur une touche historique, on y parle de Louis XVIII et de Charles X, en termes que je n'ai pas compris, on est nul en histoire ou on l'a travaillée, hein. Saviez-vous qu'ils étaient tous deux frères de Louis XVI ? Sacré roi en 1825 pendant la Restauration, il est renversé en 1830 avec la Révolution de Juillet (et la Liberté guidant le peuple ci-dessous), mais au moins, il garde sa tête. On passe alors à la Monarchie de Juillet et Louis-Philippe, ex Duc d'Orléans, roi "des Français".

Drôlement intéressant n'est-ce pas ? On se culture comme on peut.
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le 4 juin 2013

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Phae

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