J'ai entamé la lecture de ce court ouvrage sur un malentendu, pensant lire une novelisation du film. Grave erreur puisque le film est tiré d'un roman autobiographique.
Cela n'empêche, on sait que c'est une histoire vraie avant d'entamer la lecture et on sait aussi que c'est un happy end. Le narrateur qui s'en est sorti commence son récit par son arrestation à l'aeroport. Il reconnait que la tentative était stupide : faire sortir deux kilos de drogue d'un pays où celle-ci est peu onéreuse et facilement trouvable. Il sait aussi qu'en Turquie la legislation relative à sa revente est extrêmement sévère.
La chute n'en est pas moins vertigineuse et l'auteur dresse un tableau terrible des conditions d'incarcération dans les divers établissements qu'il fréquentera presque cinq années durant. C'est violent et brutal aussi bien pour ce qui est de la population enfermée avec lui, que des conditions de vie. Tout le roman alterne entre espoir d'une peine courte (le délit reste léger dans sa catégorie) et désespoir avec reflexion de plans d'évasion. Les risques sont rééls à tous points de vue. Sa famille elle-même tente de le dissuader, encouragée par des promesses d'extradition ou de réductions de peines qui rendraient l'entreprise sans intérêt.
Le livre retranscrit bien tous ces aspects et le lecteur se trouve lui-même partagé sur l'attitude à avoir. Tous les points de vue sont entendables y compris celui d'un État souverain dont les relations avec les États Unis sont tendues dans le contexte de la Guerre Froide. Le prisonnier décrit le pays de son incarcération et ses habitants en termes peu flatteurs, mais vu son quotidien on peut comprendre sa rage et ressentiment.
Par ailleurs, on nage en plein paradoxe : il est assez incompréhensible, je trouve, de voir un détenu ressortissant américain puni pour avoir voulu faire sortir une "modeste" quantité de haschisch de Turquie (infraction très banale semble-t-il) évoluer ensuite dans un milieu carcéral où il est si facile de se procurer et de consommer ce produit. C'est peut-être cet aspect là qui est le plus perturbant. La partie hygiène, corruption et violence sont également remarquablement bien retranscrites, mais plus attendues.
L'auteur, avec une écriture simple et directe, excelle à traduire en mots l'absence de liberté qui lui pèse pendant ces longs mois où il oscille entre rancoeur, résignation, puis résolution :
Page 65 : "j'avais désespérément envie de marcher en ligne droite sans venir buter contre un affreux mur de béton. Je compris alors pourquoi les animaux ne cessent de tourner en rond dans leur cage (...). Le matin, je me réveillais avec le jour (...). Je gardais les yeux fermés le plus longtemps possible pour ne pas voir les barreaux en face de moi".


J'ai vu le film il y a très longtemps et j'avoue ne pas m'en rappeler, si ce n'est le principal thème musical.
Dernier point notable : le titre du livre qui fait référence à l'Express de Minuit qui va en Grèce. On évoque bien celui-ci à un moment mais en tout cas ce n'est pas par ce biais que le narrateur passe la frontière grecque. Ok, admettons que cela soit une vision métaphorique même si je reste dubitatif sur ce choix. Le film m'apportera peut-être une explication. En tout cas ça donne envie de le revoir.

SebastienBrassart
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le 24 févr. 2018

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