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Incontournable Album Octobre 2025



"Mignon" est un album d'Halloween qui nous change des sempiternels albums avec des enfants qui ramassent des bonbons, une ode aux films d'horreur et au plaisir de se faire peur.



Germain vit à Chocottes, petit village où chaque maison est habitée par des entités fantomatiques toutes plus terrifiantes les une que les autres. À l'occasion d'Halloween, la tradition est donc de passer de maison en maison pour se faire effrayer par ces défunts flottants. Il y a cependant un endroit qui n'est habité d'aucuns morts transparents: Sa maison. Invité de personne et incapable d'inviter des enfants de son village, le jeune garçon vit donc ses 31 octobre en compagnie de pop corn et de films d'horreur au cinéma. Les choses pourraient être appelée à changer quand il met la mains sur un grimoire dans le grenier, qui, selon l'ouvrage, permet d'invoquer "le plus terrible des monstres que le monde ait jamais connu". Ravi, Germain invite ses camarades de classe et organise le rituel d'invocation. Émerge alors une créature au vert émeraude envoutant, fluide comme l'eau et...beaucoup trop mignonne! Oups.



Attention, il y aura des divulgâchis à partir d'ici - et quelques citrouilles ricaneuses.



Donc, Germain est maintenant accompagné en permanence de cette étrange petite chèvre fantôme qui semble nager fluidement dans les airs, qu'il baptise "Glu", vu son côté colleux. Germain est bien sur déçu, loin d'avoir l'entité cauchemardesque qu'il pensait avoir dégotée. Malheureusement pour lui, il a d'ores et déjà invité quatre de ses camarades et se demande comment il va se sortir de cette situation incontrôlable. Il va toutefois s'attacher peu à peu à ce charmant petit animal spectral, avec qui il regarde ses films le soir. Il aura bien tenté de costumer Glu pour le rendre plus féroce, mais c'est tout le contraire. Il est plus adorable que jamais. Vient le fameux soir d'halloween, où les quatre enfants invités ne tardent pas à se moquer de Germain et sa maison non-hantée. Indigné, Glu change alors peu à peu de forme, devenant massif, féroce et intimidant. L'apparence du fantôme chasse les enfants hurlant d'effroi. Germain est à la fois choqué et agréablement surpris de découvrir que son gentil petit fantôme peut devenir un monstre effrayant quand on s'en prend à lui. Germain aurait pu profiter de sa nouvelle notoriété, car bien sur, les enfants veulent pouvoir revenir dans la désormais plus hantée de toutes les maisons, mais le jeune garçon n'en a finalement pas grand chose à faire. Après tout, il a un ami qui l'apprécie sans conditions et avec qui partager du maïs soufflé accompagnant des films d'horreur.



Ah, Jérémy Pailler et ses superbes illustrations, on ne s'en lasse pas! On a droit à des doubles pages sans texte comme à des illustrations sur fond blanc, combinées pour former un univers aux détails riches, au réalisme teinté de douces rondeurs et d'un fluidité apaisante. J'aime toujours autant le choix de couleurs, la diversité des vêtements des personnages, le souci du détail dans l'architecture et ces sympathiques citrouilles aux expressions espiègles. C'est quand même étonnant d'avoir un graphisme aussi chaleureux et doux pour un registre épouvante, mais ça permet donc tout à fait à un jeune lectorat de naviguer dans cet univers sans trop s'effrayer. Mention spéciale à ces fantômes plutôt cool, le côté "Diable" de Glu, qui à la forme d'une chèvre, aux lampadaires et cheminées tordues, ainsi que ces magnifiques illustrations-fresque du village.



Les références aux films d'horreur sont présentes tout au long du récit, que ce soit les vieux VHS aux titres évocateur, les jumelles habillées comme celles dans "The shining", le garçon dont le chandail fait écho à celui de Jason dans les Halloween, le fait que les personnages soient habillés comme dans les années 80 ( peut-être une référence aux nombreux enfants dans les films culte d'épouvante?) et le côté "kremlin" du personnage de Glu. Enfin, vous remarquerez des visages de films d'épovante connus dans les jouets et poupées de la chambre de Germain. Tous ces détails parleront peut-être plus au lectorat adulte qui liront ce livre avec leurs jeunes cocos, mais pour les profs, c'est l'occasion de vous amuser avec votre classe à trouver et décoder ces références. L'humour référentiel et la subtilité des détails dans une œuvre témoigne d'un sens du perfectionnisme et du 2e degré que j'affectionne beaucoup, car je trouve ce genre de minutie du travail intelligent et intéressant.



J'ai trouvé touchante cette fin, où un garçon prend conscience qu'un ami sincère, ça ne vaudra jamais des amitiés achetées à la faveur d'un statut social favorable. Glu semblait apprécier Germain pour lui-même, avec qui il a d'ailleurs eu des moments de qualité à partager des centres d'intérêts ( tout démon soit-il). Ça ne semblait pas se profiler comme ça au départ, car Germain avait des attentes vis-à-vis de Glu. Quand celles-ci ont prit moins de place dans l'esprit du garçon, il a pu réaliser à quel point Glu ressemble à un chien ( qui a la forme d'une chèvre à la queue pointue et qui miaule, certes). C'est à ce moment-là que Germain consenti à ce que Glu reste dans son inimité et qu'il partage son quotidien. Il lui embrasse même la tête quand la petite créature se love contre lui. On voit une belle complicité naitre et se maintenir. Ça peut sembler anodin, mais les manifestations d'affection, surtout de la part des personnages masculins, ont quelque chose de vraiment réjouissant, dans un monde qui considère trop souvent la tendresse et la sensibilité comme des traits de faiblesse. D'ailleurs, passer par dessus le désir d'être populaire pour préférer une amitié saine, je trouve cela très courageux et mature, de la part d'un jeune personnage.



Décidément, après "le bambou et la fougère", "Le croque en mur" ou "Le brutalone", monsieur Pailler trouve le tour de nous redonner encore une fois une histoire emprunte de sensibilité, de douceur, pimentée d'un ténébreux accent halloweenesque et d'une petite leçon sur l'importance se savoir se choisir des amis. Il y a aussi une certaine idée autour du détachement qu'il fait savoir développer quand au regard des autres sur la perception de soi, en ce sens où ne pas avoir certains indicateurs de réussite sociale ( une maison hantée dans ce cas-ci) ne constitue pas une invalidation ou une dépréciation de sa valeur personnelle. La reconnaissance des pairs peut aussi venir des gens avec qui ont entretient de bons liens, elle n'a pas à forcément venir de tout le monde. Bref, cet album est magnifique et offre au département d'Halloween une nouvelle idée d'album pour marquer cette célébration. Je pense qu'avec son style graphique réaliste et riche, il plaira autant aux plus jeunes du premier cycle (6-7 ans) que ceux du deuxième ( 8-9 ans).



Pour un lectorat à partir du 1er cycle primaire, 6-7 ans+

Shaynning
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le 26 oct. 2025

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