Dans Misericordia, Lídia Jorge donne la parole a Dona Alberti, une femme âgée lucide et résiliente, dont le journal, à la fois monologue poétique et mordant, traverse les derniers instants de sa vie. L’Hôtel Paradis, sa maison de retraite au nom ironique, devient un microcosme de la société où chaque journée semble consacrée à préparer la nuit — celle du sommeil, mais aussi celle de la fin, la nuit qui prend des airs d’adversaire redoutable lors de ses visites, aussi terrifiantes qu’oniriques.
Soignants, résidents, administrateurs et familles se croisent dans cet « Hôtel ». Crise migratoire, pandémie, homophobie, tensions familiales et bien d’autres sujets d’actualité y sont abordés. Rien n’échappe à la narratrice, qui, bien qu’ayant accepté le déclin de son corps, persiste à observer et à contempler chaque personne, chaque geste et routine qui adoucissent l’approche du silence.
Jusqu'à la fin, cette femme fait de rencontres touchantes, comme avec Lilimunde, une aide-soignante, miroir parfait de sa vie. Un miroir qui incarne l’idée que chaque existence se prolonge et se transmet.
Ce roman résonne profondément, surtout lorsqu’on a des proches touchés par le vieillissement ou impliqués dans le soin. Il m’a ramené à ma propre histoire, à ma mère qui travaille en maison de retraite, à mes grands-parents vieillissants, à ma belle-mère qui réside aujourd’hui dans un de ces lieux. Autant de visages derrière les mots.
Lídia Jorge nous rappelle à quel point la vie, même vacillante, mérite d’être vécue jusqu’au bout, avec grâce, humour et courage. C’est un texte puissant et sincère, qui fait de la fin une affirmation de beauté.