J’ai toujours trouvé difficile de parler de grandes figures, qu’elles soient homme ou femme, car l’image que nous avons d’eux est celui de leur mythe. Fabriqué par la personne, à son insu ; pendant ou après la mort ; faisant ressortir un bon ou mauvais souvenir de la personne, ces mythes sont encore plus difficile à démêler lorsqu’ils appartiennent à notre histoire contemporaine. Ainsi, remettre en cause telle ou telle décision du général De Gaulle reste encore aujourd’hui source de débats passionnés. On ne touche pas à l’homme du 18 juin, au sauveur de la France et à l’homme de la Vème République. Cette relation quasi sacrée existant entre ces personnages et l’Histoire de France reflète bien l’emprise forte de l’Histoire d’Etat sur l’Histoire de France.


Mais il n’est pas question ici de parler de De Gaulle mais bien de celui qui peut être considéré comme le second président le plus célèbre de cette Vème République : François Mitterrand. En effet, cet homme de pouvoir aura eu un long parcours au sein de la vie politique française que ce soit lorsqu’il était ministre de l’intérieur lors des troubles en Algérie, de sa nomination à la tête du SFIO, devenu ensuite le Parti Socialiste, jusqu’à son élection à l’investiture suprême de 1981 jusqu’en 1995. L’homme tant attendu par « la Gauche », si t’entait qu’il vaut mieux parler des Gauches, a vite fait de montrer qu’il était avant tout un homme de pouvoir avant d’être un homme de Gauche…


C’est là que j’aborde ce livre de Jean Montaldo, Mitterrand et les 40 voleurs qui eut un réel succès à sa sortie en 1994, toujours durant le mandat socialiste. Journaliste d’investigation ayant une rigueur du détail exemplaire, cet homme, dans son œuvre, nous dévoile, en partie du moins, les gigantesques réseaux frauduleux construis durant plusieurs décennies par le PS, des industrielles et des financiers mais aussi par certains du PCF !


De quelle manière le journaliste a t-il eu accès à ces informations ? Elles sont dues essentiellement par les confidences que J. Montaldo reçues de François de Grossouvre. Ce dernier, tragiquement retrouvé mort dans son bureau à l’Elysée était bien plus que ne laissait penser sa fonction officielle de président du Comité des chasses présidentielles, il était avant tout un conseiller et un ami de Mitterrand. Le président lui avait confié alors plusieurs dossiers importants au cours des premières années de pouvoir et parfois même sensibles comme les rendez-vous avec Anne Pingeot.
C’est alors une narration d’événements suspects comme la venue de Bernard Tapie au gouvernement par exemple. On apprend également que l’ancien maire PS de Marseille, Gaston Defferre, plusieurs fois ministre sous Mitterrand usa à mainte fois de pressions afin d’étouffer des affaires le concernant lui et ses proches collaborateurs grâce notamment au soutien non avoué de Mitterrand. Aussi, c’est de pourboires dont il est question lorsque J. Montaldo découvre des factures avec des sommes astronomiques pour le journal Le Globe, journal officieux du PS de l’époque.


Mais ce n’est rien sans compter la figure de Roger-Patrice Pelat, appelé aussi le « Vice-Président » par les gens de l’Elysée, grand homme d’affaire à l’influence international et surtout ami intime et de longue date du président. De cette amitié solide, nombreuses seront les affaires louches et scandaleuses qui entacheront les deux septennats socialistes. Le fameux prêt d’un million de francs confié à Pierre Bérégovoy, qui sera l’affaire le menant sans doute à se suicider en 1993, avec le financement d’hôtels en Corée du Nord ou encore et de loin le pire, le rachat par l’entreprise française Alsthom de l’entreprise Vibrachoc de Pelat à hauteur de 110 millions de francs alors qu’après expertise elle ne valait pas plus de 40 à 60 millions de francs…


On pourrait trouver cela étrange que ce proche ami de Mitterrand donne ainsi une image si sombre et corrompue de l’Elysée et du Président. Pourtant, c’est bien un portrait dressé au vitriol que F. de Grossouvre fait avant de mourir. D’ailleurs, Montaldo remet en cause l’instrumentalisation médiatique et la communication de l’Elysée concernant la mort de son ami-confident, tout comme il l’avait fait un an auparavant en 1993 dans son réquisitoire Lettre ouverte d'un « chien » à François Mitterrand au nom de la liberté d'aboyer après le suicide de Bérégovoy. Montaldo va encore plus loin en soupçonnant Mitterrand et ses collaborateurs d’avoir amené Grossouvre à commettre son acte funeste…


Bref, un livre d’une rare clarté sur les évènements et scandales politico financiers des années mitterrandiennes, bien que je dois avouer pour ma part me sentir perdu lorsque l’on rentre dans le domaine complexe de la finance. Et ceci est normale puisque le but de ces financiers véreux était de créer un écran de fumée assez dense afin d’empêcher toute ingérence possible.
Enfin, et c’est en cela que ce livre démystifie la figure charismatique du Président socialiste, c’est le portrait de ce que l’on pourrait considérer comme le dernier grand « roi » de France, dans le sens où il vivait comme tel. Tout un luxe y est décrit, une opulence qui ferait retournée Jean Jaurès au moins 10 fois dans sa tombe. On y découvre aussi le mépris certain de cet homme pour l’éthique, incarnation même de cette gauche caviar transportée au sommet du pouvoir de l’Etat français.
Je terminerai ainsi, par les mots prononcées par F. de Grossouvre en décrivant Mitterrand : «  L’argent et la mort, il n’y a plus que cela qui l’intéresse. » Etait-ce pour cela qu’à la fin de sa vie, l’homme en arriva à amonceler un patrimoine financier et immobilier toujours aussi croissant à en faire pâlir les anciens pharaons, lui qui en avait une si grande fascination ? Une chose est certaine, la corruption qui l’entourait au cours de sa vie devait équivaloir à l’état de sa maladie à la fin de sa vie.

Sifit_Kalak
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le 16 juin 2016

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