Imposture !
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La simple histoire de cette femme acharnée recréant de A à Z l’évènement qui l’a sauvée de sa dormance, a dynamité la monotonie et l’a plongée dans un état s’apparentant à un ébahissement médusé atteint, grâce entre autres à la plume de Duras, des sommets de beauté, dans ses qualités comme dans ses imperfections. Tentant de revivre le drame (meurtre d’une femme par son amoureux) avec un autre homme prénommé Chauvin, elle lui pose des questions auxquelles elle espère parfois qu’il réponde, parfois qu’il se taise et où certaines fois la réponse arrive sans être accompagnée d’une question. La logique du dialogue n’a ici plus d’importance et dénonce justement la superficialité des échanges conventionnés, préparés avant d’être dits, comme soumis à une codification absurde du langage.
Pareils à deux variations d’une même musique, dotés du même cerveau et complétant la pensée de l’autre avec une aisance impressionnante, ils agissent comme un seul être, fusionnel jusque dans la psyché. Outre la similitude étrange entre ces deux personnes qui vient démontrer que chaque être humain n’est au final qu’un modèle différent du même moule et que par ce fait l’unicité humaine est dérisoire, Moderato Cantabile, dans une approche plus terre à terre, est le récit d’une femme perdant goût à la vie et s’enfermant dans une contemplation abrutie du monde l’entourant, comme devenue étrangère à son environnement. Tellement étrangère que son fils ne représente rien pour elle. Incapable de reconnaître en lui le fruit de son enfantement, elle le promène partout comme on promènerait un chien, sans égard à sa fatigue ou ses désirs. Impuissante quand vient le temps de donner un amour maternel, celui qui est tant nécessaire à l’enfant en quête de reconnaissance, Anne se contente d’aimer son fils à distance, refusant de le gronder afin de ne pas empirer l’état du jeune garçon, déjà en manque d’amour concret. Autant son affection pour l’enfant est immense, autant son affection est invalide, atrophiée.
Malgré les allures sibyllines dont le roman de Marguerite Duras se pare, Moderato Cantabile conserve un aspect traditionnel par certains éléments, notamment lorsqu’il emprunte la voie de l’élucidation du meurtre/suicide. En bout de compte, l’idée qu’on ne peut jamais vraiment saisir les motivations de quelqu’un, et ce, peu importe les heures passées à tenter d’éclaircir les parts d’ombre (concept applicable au livre en soi), devient aussi transposable à la question du crime (passionnel) qui survient au début.
En bien peu de mots, Duras parvient à restituer à la fois l’ambiance météorologique (l’été peinant à arriver, sa chaleur qui l’est déjà et les rayons du soleil cuisant les corps dénudés) ainsi que les relations humaines malaisées, toutes un peu dysfonctionnelles, qu’entretiennent les personnages. Les phrases melliflues, d’une douceur fantastique font de ce récit éphémère le théâtre d’une humanité insaisissable et insufflent un joli spleen qui envahit le lecteur lorsque la dernière page est tournée. Usant d’un mélange de temps de verbe pouvant parfois sembler irrationnel, Duras vient en fait confondre la temporalité de son histoire, nous signifiant l’inutilité des notions de temps et le caractère surnaturel de son historiette accentuant l’absurde de ces vies humaines.
Douce œuvre chantante, Moderato Cantabile est un récit où l’allégresse des mots donne à la fois un ton joyeux et mélancolique (frôlant le défaitisme dans sa perception du sort humain) au tout. Pour les journées ensoleillées de l’été ainsi que les matins fébriles en bord de mer.
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Créée
le 18 mai 2021
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