Avec ce leitmotiv « La honte est une mémoire », Édouard Louis relève tous ses petits souvenirs de rendez-vous manqués, ces moments de gêne, de ses paroles prononcées, vite oubliées, qui décriait le quotidien de sa mère, même séparée de son père. Elle avait cru encore une fois qu’un homme pouvait la protéger ! Mais, un soir, elle appelle son fils…


« Trois maris, trois poivrots ». Et au troisième, avec l’aide de son fils, elle s’enfuit. Peut-être, les insultes entendues à travers le haut-parleur du téléphone ont-elles aidé à cette prise de conscience. Que l’intime soit franchi, l’emprise se délite !


« (..)Fuir et se libérer demandent une telle énergie que, souvent, en cours de fuite, on renonce et on fait demi-tour. »

Édouard Louis fait le récit de cette évasion. Et, il souligne, à chaque page, que devant tant à faire, il faut être accompagné ! De l’apprentissage de l’ordinateur à l’avance pour le nouveau logement, les lendemains de fuite et la fragilité qu’elles amènent sont les principales difficultés à surmonter.


Édouard Louis nous raconte la joie de cette renaissance lorsqu’elle est réussie et ponctue son récit d’un bel hommage d’un fils à sa mère, une représentation théâtrale en son honneur.


Au-delà de cette expérience personnelle décrite dans Monique s’évade, Édouard Louis montre, encore et encore, la portée sociale de son récit. Même si la joie vient cicatriser la honte, c’est bien parce que son fils connaît tous les codes sociaux de son quotidien qu’il peut soutenir sa mère vers sa libération.


Car, les associations n’ont plus les subventions nécessaires pour accomplir ce travail. L’état fait tout pour ne plus servir les aides, comme on l’apprend pour Monique, lorsqu’il n’en restreint pas drastiquement les bénéficiaires.


Alors, si la femme ne peut compter sur personne, impossible que l’évasion se réalise vraiment. Elle reviendra un jour ou l’autre auprès de son tortionnaire tant les étapes sont difficiles à franchir. Et, là, on est au cœur de la critique sociale, l’essence même de la littérature d’Édouard Louis.


De façon plus concise…

Cependant, « Monique s’évade » représente également un moment de retrouvailles entre un fils qui a trahi sa classe, son sexe et surtout sa famille, et celle qu’il a détestée, qu’il a fuie et dont il a constamment eu honte.


La mère et le fils se sont retrouvés et découvrent l’ampleur de leur tendresse. Édouard Louis est heureux avec sa mère. D’ailleurs, elle a fait la commande de ce livre pour qu’il montre, enfin, à tous, la joie de sa renaissance !


Une évasion émouvante, réaliste et tendre d’une mère, racontée par son fils. Et, ils retrouvent enfin !

Chronique illustrée ici

https://vagabondageautourdesoi.com/2024/04/29/edouard-louis-monique-sevade/

matatoune
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le 29 avr. 2024

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