Œuvre à base autobiographique de Rétif de la Bretonne, écrivain du XVIIIème siècle,
d’origine paysanne, bourguignonne de surcroît, et dont les principales passions sont celles de l’écriture et des femmes.
Cet ouvrage fut écrit en 1785, mais mûri bien avant les Confessions de Rousseau, publiées en 1781.
Edité de l’auteur lui-même puisqu’il était imprimeur, il comporte de longues descriptions de la vie et des conditions de l’époque, des mœurs des paysans, comme des ouvriers de l’imprimerie.
L’auteur ambitionne de donner à son lecteur ‘une anatomie du cœur humain’, en dévoilant une vie, ‘sa vie indéfiniment renouvelée’, au sein d’un envoutant voyage dans l’univers féminin.
L’œuvre parcourt les âges de la vie, après une parodie de généalogie chimérique (de l’empereur Pertinax à la Pucelle), s’attarde avec une particulière acuité sur l’enfance, pour s’achever à l’âge des mariages, démariages, et autres aventures amoureuses.
Adopte une unité de lieu, sillonnant la Basse Bourgogne, de Sacy, son petit village natal, Courgis, Auxerre (et son double cadran astronomique soleil et lune), puis Paris du XVIIIème via coches d’eau et carrioles.
Ainsi que le narrateur l’indique :
‘J’ai été berger, vigneron, jardinier, laboureur, écolier, apprenti, moine, artisan dans une ville, marié, cocu, libertin, sage, sot, spirituel, ignorant et philosophe.’
‘Enfin je suis auteur, ai fait de nombreux ouvrages, la plupart fort mauvais, mais je l’ai senti, dont le plus important est le compère Nicolas…’
L’on y remarquera les excès de la cuisine de cette époque, pour une certaine classe, que la corruption menace, ainsi ‘pour 13 convives dont une dominance de vicaires et frères à table, 3 lapereaux rotis, des langues de mouton de Troyes, 2 chapons au gros sel, plat de saucisses maintenues chaudes et cuites au vin blanc chez le pâtissier Julien, un pâté de lièvre, de perdrix, d’anguilles, des confitures sèches, des biscuits trempés dans le muscat, un total de 24 bouteilles décoiffées, champagne en même nombre.’
Le monde de la religion, et leurs hommes, calotins de bon ou mauvais aloi (cela ne date pas d’hier…), apparaissent inévitablement, constitutifs de cette époque pré révolutionnaire, de tout grade, jusqu’aux enfants de cœur, petits curés ‘les crocüites’.
La condition difficile des apprentis et de l’apprentissage, est ‘vue comme du vice, de la bassesse, du cynisme le plus crapuleux, que de la profession’. ‘Un apprenti, censé être au-dessous d’un esclave, n’avoir ni âme, ni sentiment ni pudeur.’‘Vil instrument dont le compagnon usait, soumettant l’esclave à 3 alternatives, être rossé par les parents, ou par l’ouvrier, pour avoir mal réussi, ou par le maitre.
Enfin et surtout, les filles, les femmes, courtisanes, chambrières, friponnettes, p’tites chiennes-à-pan (en Bas Bourguignon, tout), ainsi multipliées tout au long du récit, sont élevées au rang de religion. ‘Leurs séductions au-dessus de leurs forces naturelles’, font le miel et le calendrier de Mr Nicolas.
La vie des prostituées ‘ces chef d’œuvre de la nature’, est également décrite sans réticence ni fard. Les maisons closes, dites à cette époque ‘maison publique tenant desfilles’, ou encore des ‘boucans’ lieux de débauche, sont dénoncées en filigrane par le narrateur, montrant les liens avec la police, qui en tire profil (décidement…).
‘Les espions épargnant ‘les grande coquines’, à l’inverse, emprisonnant ‘les pauvres malheureuses qui n’ont pas de quoi payer’, dans les grandes maisons, c’est-à-dire, à l’Hôpital général, Salpétrière, Pitié, Bicêtre qui faisaient fonction d’hôpital comme de prison.
Il ne s’agit donc pas d’un ‘futile roman, mais d’un livre utile par sa véracité, fut-il la seule bonté’ que ce facétieux auteur, ‘puisse lui donner.’
‘0 felicitatem ! Si perdurares !’

Goguengris
8
Écrit par

Créée

le 9 janv. 2021

Critique lue 66 fois

2 j'aime

Goguengris

Écrit par

Critique lue 66 fois

2

Du même critique

Vietnam
Goguengris
8

Nés au Nord pour mourir au Sud

Série documentaire de Ken Burns et Lynn Novick, en 9 parties, résultat d’un travail de 11 ans, à voir in extenso et pour certaines parties, à revoir, tant du point de vue historique, que sociétal...

le 27 sept. 2017

11 j'aime

Stefan Zweig - Adieu l'Europe
Goguengris
7

Critique de Stefan Zweig - Adieu l'Europe par Goguengris

L'exil et sa dernière errance au Brésil de Stefan Sweig loin de cette Europe déchirée de 39/40, seront sobrement filmés par Maria Shrader. Invite à relire le témoignage de ce grand esprit du siècle...

le 11 août 2016

11 j'aime

Cristal Automatique #1
Goguengris
9

Critique de Cristal Automatique #1 par Goguengris

Une mosaïque d'influence poétique interprètée avec finesse et émotion Tant les mots que la musique C'est un délice envoûtant même si souvent très sombre On y revient sans pouvoir se l'empêcher...

le 27 juin 2015

8 j'aime

1