Monsieur Pain, grièvement brûlé aux poumons pendant la guerre 14-18, vit depuis lors avec une modeste pension d’Invalide et se consacre aux sciences occultes et à l’acupuncture.
« A partir de ce moment […], j’abandonnai tout ce qu’on aurait pu considérer comme utile à la carrière d’un jeune homme et me consacrai aux sciences occultes, c'est-à-dire que je me consacrai à mon appauvrissement de manière systématique, rigoureuse, et parfois même avec élégance. »

En avril 1938, Mme Reynaud, une jeune et belle veuve vient trouver Monsieur Pain pour qu’il soigne le mari d’une amie, le poète péruvien Vallejo, qui se meurt d’une maladie inconnue et d’un hoquet sans fin dans une clinique parisienne. Dès ce moment, Monsieur Pain se sent suivi, une atmosphère inquiétante se développe, on veut le corrompre pour qu’il renonce à soigner cet homme.

« Le premier symptôme de la singularité de l’histoire dans laquelle je venais de m’embarquer se manifesta tout de suite, lorsque je descendais les escaliers et croisais, à la hauteur du troisième étage, deux hommes. Ils parlaient en espagnol, une langue que je ne comprends pas, et portaient des gabardines sombres et des chapeaux à large bords qui, comme ils se trouvaient au-dessous de moi, occultaient leurs visages. »

« Monsieur Pain » démarre comme une intrigue policière, mais l’errance et l’angoisse des exilés politiques est au cœur de ce livre.
Roman de jeunesse de Bolaño écrit en 1981-82 et publié en 1999, c’est un livre assez déconcertant par sa fin ; néanmoins, on y plonge déjà dans ces sensations familières des romans ultérieurs de Bolaño, la mélancolie et l’anxiété de situations où le mal rôde, diffus, l'angoisse née de situations banales qui semblent toujours être à la marge de l’étrange, ici dans ce contexte trouble de la fin des années 30, avec en toile de fond la guerre d’Espagne et le réarmement de l’Allemagne avec le régime nazi.



« Un livre était resté au bord de sa ceinture morte,
Un livre bourgeonnait de son cadavre mort.
On a emporté le héros,
Et sa bouche, corporelle et funeste, est entrée dans notre haleine ;
Notre sueur a coulé sous le poids du nombril ;
En cortège les lunes nous suivaient ;
Le mort, lui aussi, suait de tristesse. »
(César Vallejo ; Bref Chant pour un Héros de la République, 1937)
MarianneL
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le 20 sept. 2012

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le 20 sept. 2012

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MarianneL

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