Attention je spoile.


J'ai tjs eu du mal à lire les pièces de théâtre mais là c'est passé crème.


La lecture est fluide, j'ai particulièrement aimé les flashbacks dans leur mise en scène et pour la finesse avec laquelle ils s'imbriquent dans le récit et permettent de comprendre le tempérament des personnages et le mobile de leurs actions.
J'ai aussi particulièrement aimé la critique du rêve américain. Pas tant pour la notion de "rêve américain" dans le sens d'une critique de la société américaine mais plutôt pour l'idée universelle que réussir sa vie ça signifie épater son entourage et donc chercher à avoir toujours plus que ce qu'on a. A rêver d'une vie plus glorieuse on finit par passer à côté de la sienne. En soi c'est humain, on est tous plus ou moins dans ce schéma, parfois à notre corps défendant. Mais ici le père m'angoisse : il passe son temps à mentir sur sa situation professionnelle, sur celle de ses fils, refuse d'être embauché par un ami par fierté, rate l'éducation des ses enfants (ils mentent, trichent et volent pour avoir une vie conforme aux idéaux de leur père), et finit par se suicider pour que sa famille touche l'assurance décès sans que celle-ci en ait vraiment besoin, bref un vrai boulet. Même si on comprend que le manque de figure paternelle est à la base de ce travers, le voir courir après des chimères est exaspérant.
Happy semble être le copier-coller de son père, incapable d'attirer une femme sans mentir sur sa situation ce qui le renvoie à ses propres échecs, ses conquêtes sont donc faciles mais creuses. Il voudrait une femme comme sa mère, une femme qui aime son mari tel qu'il est, capable d'encaisser ses mauvais traitements avec servilité. On ressent cette misogynie et ce manque de jugement chez le père qui parle des femmes comme d'un "cheptel" mais dont la maîtresse, censée l'aider à lutter contre le poids de ses responsabilités, ne s’intéresse à lui que pour avoir des bas à l’œil... Enfin, Biff, lui, s'affranchit de ses erreurs et sans vouloir mener une vie glorieuse, accepte ses faiblesses, n'en peut plus des faux-semblants et désire une vie plus simple et à sa porté, ce qui me l'a rendu très attachant.
Par contre, gros reproche sur les personnages féminins inexistants dans cette pièce, les femmes sont soit intéressées, soit serviles : la mère manque cruellement d'épaisseur, au fond, comment elle vit tout ça, elle ? Miller ne creuse pas vraiment le sujet, elle ne semble vivre que pour son mari, sans existence propre. D'où le 7.

Lapetitecogne
7
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le 29 avr. 2019

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