Neverwhere
7.6
Neverwhere

livre de Neil Gaiman ()

Neverwhere est une histoire de frontière, et un voyage initiatique somme toute assez classique dans ses enjeux.


En préambule, il est important de contextualiser ce roman. Neverwhere est d’abord une série télévisée (6 épisodes) diffusée en 1996 sur la BBC, écrite par Neil Gaiman. La même année, il publie le roman du même nom (son second roman, après « De bons présages » (Good omens)), adaptation retranscrivant sa vision et version de l’histoire, sans les modifications et coupes imposées par la télévision. Comme il l’explique lui-même tant dans la préface qu’en interview (cf par exemple celle des Utopiales 2012 : http://www.actusf.com/spip/article-14444.html ), à chaque coupe il se disait : « Pas grave, je le remettrai dans le roman. »


Le héros, Richard Mayhew, est un londonien à la vie banale. Sa vie bascule lorsqu’il sauve Porte, jeune fille du Londres d’En Bas. Cette rencontre va bouleverser sa vie et il va subir (c’est bien le terme, le pauvre souhaitait bien reprendre sa vie tranquille !) tout un tas d’évènement. D’abord, sa fiancée le quitte. Plus grave, plus personne ne semble le voir ni se souvenir de lui. Il se retrouve à la rue, sans comprendre, et va être plongé dans le Londres d’En Bas, monde essentiellement souterrain peuplé de personnages excentriques voire carrément magiques, mais également de nombreux marginaux du Londres d’En Haut (mendiants, etc.) S’ensuit tout un tas d’aventures à mesure que Richard suit Porte dans l’espoir de retrouver sa vie d’avant à la fin du voyage. Frontière et voyage, donc.
La critique sous-jacente de la société d’En Haut (la nôtre) est évidente. Ainsi, les habitants du Londres d’En Haut ne voient-ils pas les habitants du Londres d’En Bas (ce qui inclut les mendiants, sans-abris et autres déshérités), et les oublient.

Le voyage nous fait parcourir Londres, et se sert des noms de lieux (notamment les stations de métro) pour leur attribuer une justification particulière dans le Londres d’En Bas. Ainsi trouve-t-on des moines noirs à Blackfriars, une cour du Comte à Earl’s Court, etc. Toute Londres acquiert alors une nouvelle dimension, et c’est un plaisir de la parcourir avec les personnages.
A noter ici qu’il s’agit bien de Fantasy Urbaine. Il y a de la magie (pas d’effet pyrotechnique ici, c’est plus subtil et intéressant, et la magie est intégrée à ce monde en un alliage qui me rappelle le Petit peuple, ou bien même des touches d’onirisme), il y a un voyage initiatique, et surtout, surtout, il y a la ville. La ville, partout, toujours. Londres est omniprésente, et en devient un personnage, essentiel à l’œuvre.

Le rythme du récit rappelle celui d’une série télévisée (logique, vue la genèse de l’œuvre…) Que ce soit l’alternance entre les personnages lorsqu’ils ne se trouvent pas tous au même endroit, le passage à un personnage secondaire pour montrer ce qu’il se trame en parallèle, un rythme rapide où tout s’enchaîne sans temps mort, des chutes et gags répartis ici et là, ou bien encore les descriptions et une écriture qui dans l’ensemble est très visuelle dans ce qu’elle raconte.

Ce n’est pas gênant, et donne au final un rythme rapide et soutenu au roman, qui se lit très facilement et d’une traite.


Les personnages sont tous intéressants, et savent dépasser au fil des pages le stéréotype qu’on pourrait y voir lors d’une première approche rapide.
Richard Mayhew, londonien introverti, sujet au vertige, claustrophobe, d’un talent au combat rivalisant avec celui d’une mangouste énervée, geigneur et n’ayant comme idée fixe que celle de rentrer chez lui, Richard donc, se révèle être un héros attachant, grâce à toutes ses faiblesses, parce qu’il évolue au fil des pages, et parce que c’est quelqu’un de bien et qu’il fait de son mieux.
Porte est une jeune fille dont les parents ont été assassinés et qui cherche à échapper à ses poursuivants tout en cherchant la vérité sur le meurtre de sa famille. C’est sa quête personnelle qui est le moteur de l’aventure dans le Londres d’En Bas, qui rassemble et fait avancer le groupe de personnages.
Le Marquis de Carabas est un dandy moqueur, manipulateur, égoïste. Mais il est aussi un homme d’honneur, honnête, et a même, semble-t-il, un cœur. Il est celui vers lequel se tourne d’abord Porte pour la protéger, et qui va la guider presque comme un mentor par moments.
Chasseur est la guerrière par excellence, et est là comme garde du corps de Porte.
Enfin, MM. Croup et Vandemar sont des tueurs, et pas n’importe quels tueurs. Sadiques, compétents et Ô combien expérimentés, ils forment des adversaires redoutables qu’il n’est pas bon d’avoir à ses trousses. Chance pour nous lecteurs, ils forment un duo aux dialogues savoureux qu’on a plaisir à retrouver au fil des pages.

Une galerie de personnages intéressants et attachants donc. Toujours dans la même interview aux Utopiales 2012 (cf lien ci-dessus), Neil Gaiman expliquait qu’il essaie toujours d’écrire des personnages avec lesquels il aimerait passer du temps et discuter. Il n’a aucune envie d’écrire un personnage qui lui donnerait envie de se lever et partir. Ce qui ne veut pas dire que tous ses personnages sont des chics types (cf MM. Croup et Vandemar), juste que ce sont des personnages intéressants. Et ça se retrouve dans cette galerie de personnages de Neverwhere.


En bref, nous avons là un très bon roman de fantasy urbaine, dont le point fort est pour moi une ambiance rêveuse urbaine.

Si je devais émettre des réserves, ce serait simplement sur le rythme peut-être parfois trop rapide qui tend à empêcher une immersion complète (pour moi) À ce niveau, j'ai trouvé ce roman presque trop facile d'accès, trop linéaire, rapide, plus proche en cela (et dans le thème classique du voyage, du groupe, etc.) d’une œuvre jeunesse ou jeunes adultes. Là où un Perdido street station de China Miéville (ma référence en fantasy urbaine, j’avoue) m’a bien plus transporté et m’a paru bien plus profond. Mais ça, je pense que c’est surtout une affaire de goût et c’est donc propre à chacun.

Quoi qu’il en soit, Neverwhere est un très bon livre, facile d’accès, à dévorer pour passer un agréable moment.
J’ai hâte de voir la série télévisée pour pouvoir comparer les deux approches :)
Kam-Ui
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Lus en 2012

Créée

le 13 nov. 2012

Critique lue 317 fois

Kam-Ui

Écrit par

Critique lue 317 fois

D'autres avis sur Neverwhere

Neverwhere
MarlBourreau
8

La porte de l'imaginaire.

A Londres, Richard Mayhew mène une petite vie sans histoire ni relief. Mais il est heureux, comme tout le monde peut l'être en menant une existence rythmée par la triptyque "métro, boulot, dodo"...

le 6 déc. 2014

10 j'aime

1

Neverwhere
CathyB
7

Critique de Neverwhere par CathyB

Commençons par les points faibles de Neverwhere : parfois, une narration un peu maladroite, qui fait que l'on perd le fil, ou que le suspens n'est pas aussi présent qu'il le pourrait. Le fin mot de...

le 16 juin 2012

9 j'aime

Neverwhere
Diothyme
7

Critique de Neverwhere par Diothyme

Neverwhere est à la base une série anglaise de six épisodes diffusée en 1996 sur la BBC qui n'a été qu'ensuite adaptée en roman. Le prologue nous présente deux personnages qui ne sont pas les...

le 21 févr. 2011

7 j'aime

Du même critique

Looper
Kam-Ui
6

Du problème des paradoxes temporels

Dans le futur du futur, il est très difficile de faire disparaître des cadavres. Or il s'avère que c'est plus pratique d'envoyer dans le passé (grâce à une technologie de voyage dans le temps...

le 12 nov. 2012

3 j'aime

1

Berserk
Kam-Ui
8

Berseeeeerk **bave**

Une série excellente mais pas que. Pour faire simple et résumer la chose, et essayer de faire que ceux qui n'ont pas eu la chance - que dis-je, le courage, l'intelligence ! - de lire comprenne quand...

le 9 juin 2011

2 j'aime

Freesia
Kam-Ui
8

Série géniale mais déséquilibrée

Déséquilibrée déjà au niveau du scénario ultra-violent et décalé (le héros principal est ultra-dérangeant) et au niveau des graphismes qui servent parfaitement cette violence (graphismes très crus,...

le 12 juin 2011

1 j'aime