No home
8.1
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livre de Yaa Gyasi (2016)

Un bon roman, ample et généreux, basé sur l'exploitation sous un angle original d'un filon désormais prolifique : l'héritage de la traite atlantique. C'est le genre de livre pour lequel seuls les lecteurs acquis d'avance rédigent des critiques, les autres ayant probablement abandonné la lecture en cours de route. S'il convient de reconnaître la validité des louanges qui justifient le succès de l'ouvrage, on peut noter quelques réserves qui précisent le contenu sans décourager l'intérêt. Le récit, bien que classiquement construit, a tendance à se diluer dans l'espace et dans le temps, ce qui rend la lecture parfois laborieuse et oblige à revenir souvent à la généalogie placée au début. L'ambition chronologique qui embrasse neuf générations sur environ trois siècles et sur deux continents (voire trois) vise à donner au texte le souffle d'une saga mais cette envergure est obtenue par l'enchaînement de tableaux, souvent réussis et cependant assez mal soudés entre eux. Bien que la documentation soit fouillée, il existe un déséquilibre dû à l'hétérogénéité des sources entre ce qui se passe du côté de la culture écrite des Occidentaux (qui laissent énormément d'archives et de traces de leurs actions) et la culture orale des Ashanti et des Fanti sur laquelle l'auteure semble souvent improviser faute d'expérience personnelle (certes elle est née au Ghana de parents ghanéens...) et de connaissances plus académiques aisément disponibles.
Le coup de poker (réussi) du livre est évidemment d'avoir établi un pont entre l'esclavage local et la traite atlantique ; ce qui n'était pas gagné d'avance quand on se rappelle la levée de boucliers qui salua il y a quelques années la publication d'un livre d'Olivier Pétré-Grenouilleau (Les Traites négrières. Essai d'histoire globale, Gallimard, Paris, 2004). Le grand mérite de Yaa Gyasi, femme, jeune et afro-descendante est donc de faire passer en douceur une idée qui fâcherait si elle était portée par une voix apparemment moins légitime. Même si son livre n'est pas toujours passionnant, sa démarche mérite le respect. Elle n'est pas la première à lorgner sur l'héritage de Toni Morrison alors que le choix de son angle d'attaque la distingue de l'icône nobélisée dont l'un des célèbres romans était intitulé " Home ". Ses éditeurs newyorkais n'ont pourtant pas fait dans la dentelle en intitulant ce livre " Homegoing " et Camann-Lévy a opté sans complexe pour " No Home ". Si vous n'avez pas compris...

Cheminet
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le 17 août 2019

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Félix Cheminet

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