La théorisation de l'au-delà
La force de ce roman, et de tous ceux qui composent l'oeuvre de B. Werber, se trouve justement dans le fait que le lecteur puisse, d'une part, retrouver les personnages auxquels il s'est attaché dans un tout autre contexte et, d'autre part, aborder n'importe quel volume sans avoir nécessairement à lire les précédents. De même, l'alternance werberienne traditionnelle d'un extrait de l'Encyclopédie du savoir relatif et absolu et d'un paragraphe propre à l'histoire déployée fait d'une pierre deux coups : le premier apporte un vrai élément de culture générale au lecteur (il peut s'agir de sociologie, de criminologie, de mythologie, d'astrologie, d'historologie... euh, de faits historiques) tandis que le second utilise les informations du premier comme base des évènements mis en scène pour les personnages (par exemple, dans Nous les dieux, chaque extrait de l'Encyclopédie se rapportant à un dieu signifie que le héros fera la rencontre de ce dernier dans le paragraphe suivant). Certes, les extraits de cette encyclopédie fictive peuvent être accusés de faire office de "remplissage" et occupent effectivement la moitié du roman, mais ce que l'on y apprend est si intéressant et méconnu que le roman mérite d'être lu pour ces seuls passages.
Le programme est simple : apprendre à devenir un dieu compétent, qui saura créer un monde et gérer les collectivités humaines jusque dans leurs réincarnations (B. Werber part effectivement du principe que tout être humain se réincarne après sa mort, ou élève son niveau de conscience en devenant un ange si il a obtenu le quota de points requis, non pas en fonction de ses "bonnes actions" mais de son "utilité à la collectivité"). Le roman repose ainsi sur une intrigue classique mais efficace en mettant en scène ses personnages, adultes et pas vraiment consentants, dans un système scolaire qui ne manquera pas d'idéaliser le quotidien vécu par le lecteur-étudiant, ou de rendre nostalgique le lecteur-vie active.
Néanmoins, bien que l'intégration de faits réels dans la fiction soit parfaitement maîtrisée et rende le récit d'autant plus prenant, on peut légitimement se demander s'il n'y a pas là surenchère ou si, plus simplement, le cycle ne tombe pas dans la facilité. Notons par ailleurs que l'auteur opte pour un style particulièrement plat, qui correspond bien à sa pensée que c'est "l'idée" qui importe et doit primer. Il semble en réalité qu'il s'agisse d'une mauvaise manière d'aborder le sujet, puisque B. Werber, en fait, se lâche complètement. L'auteur s'amuse à faire vivre, à sa manière, des personnages ayant réellement existé avec d'autres que l'on soupçonne n'avoir été que des légendes (il avance d'ailleurs la théorie que les dieux mythologiques ont sans doute été des mortels dont les prouesses auraient été largement embellies).
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